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Photo d'un carton d'emballage d'un produit en provenance de la fast déco chinoise
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Meubles bradés, filière fragilisée : l’industrie française face au tsunami de la “fast déco”

Juin 2025 – En plein marasme immobilier et alors que les consommateurs scrutent chaque euro dépensé, l’industrie française de l’ameublement continue de vaciller inexorablement sous l’effet d’une nouvelle lame de fond venue d’Asie : la fast déco. Après avoir déstabilisé la mode avec la fast fashion, des géants comme Temu ou Shein s’attaquent désormais au mobilier, menaçant un secteur déjà en tension.

📦 Une déferlante low cost qui échappe aux règles du jeu

L’invasion est silencieuse mais massive. En quelques années, Temu et Shein ont imposé leurs meubles bon marché sur le marché français, profitant d’un cadre réglementaire flou et de prix défiant toute concurrence. Selon les chiffres de l’Ameublement français, ces plateformes pèsent désormais 15 % du marché national du meuble, un chiffre en forte progression.

Derrière cette montée en puissance se cache une stratégie bien rôdée : prix ultra-compétitifs, renouvellement incessant des références, livraisons rapides, le tout depuis des entrepôts souvent basés hors d’Europe. « Ce n’est pas qu’un sujet de concurrence, c’est un vrai problème de conformité et de sécurité », alerte Arnaud Visse, président de L’Ameublement français. Il ajoute :

Temu inonde nos marchés avec des centaines de nouveaux produits chaque jour, sans respecter les normes européennes, ni s’acquitter systématiquement de la TVA ou de l’écoparticipation. Nous ne réclamons pas d’aide, mais l’équité réglementaire.

Le problème est structurel : là où les industriels français sont régulièrement contrôlés, leurs homologues étrangers échappent bien souvent aux radars. Cathy Dufour, directrice générale de L’Ameublement français, déplore l’inefficacité des contrôles actuels :

La DGCCRF est bien outillée pour inspecter les acteurs français, mais il faut rééquilibrer les contrôles, notamment en douane. Et il est temps que l’Europe et la France se dotent d’interlocuteurs juridiques directs avec ces plateformes étrangères.

Un espoir subsiste avec le projet de loi contre la fast fashion, qui pourrait élargir son champ à l’ameublement. Le texte prévoit notamment la désignation d’un mandataire légal sur le territoire français, capable d’engager juridiquement les plateformes : un levier clé pour mieux les encadrer.

🏠 Chute des ventes, hausse des imports : l’alerte rouge du secteur

Le contexte économique n’arrange rien. La filière de l’ameublement, historiquement ancrée dans des régions comme les Vosges, le Jura ou la Savoie, compte 14 600 entreprises et près de 60 000 emplois directs. Mais elle fait face à un double choc : effondrement de la demande intérieure et explosion des importations asiatiques.

En 2024, le secteur a reculé de 7 % par rapport à 2023. Une contraction largement liée à la crise du logement neuf. Le chiffre est glaçant : moins de 300 000 logements neufs construits en 2024, un plus bas historique depuis 70 ans. « Le meuble dépend directement des déménagements et des nouvelles installations. Quand la construction s’arrête, notre activité s’écroule », explique un industriel de la filière.

Pendant que les fabricants français voient leur carnet de commandes se vider, les colis estampillés Temu ou Shein progressent à vitesse grand V : +11 % en valeur et +22 % en volume en 2024. Une dynamique asymétrique qui étouffe les marges des artisans et PME françaises, déjà contraintes par des normes environnementales et fiscales strictes.

Dans ce contexte, les professionnels appellent à des mesures concrètes et urgentes :

  • Renforcer les contrôles douaniers sur les importations non conformes.
  • Prolonger l’écocontribution au-delà du 31 décembre prochain, au nom de l’équité environnementale.
  • Simplifier le maquis réglementaire, qui pénalise les fabricants respectueux des règles.

👁️ L’œil de l’expert : une dérégulation menaçante

Au-delà de la question commerciale, l’invasion de la fast déco pose un enjeu de souveraineté industrielle. En laissant le champ libre à des géants étrangers peu regardants sur les normes, l’Europe risque de sacrifier tout un pan de son industrie, au nom de la compétitivité prix à court terme.

Le combat des professionnels de l’ameublement n’est pas corporatiste : il est écologique, fiscal et sécuritaire. Car ce que les plateformes offrent à bas coût aujourd’hui pourrait coûter très cher demain : délocalisation des savoir-faire, destruction d’emplois non délocalisables, hausse des déchets non recyclables, et produits parfois non conformes.

Dans un pays qui prône la réindustrialisation, laisser l’ameublement français sombrer sans réaction serait un contresens historique.

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