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Photo de la première enseigne de grande distribution en France: Leclerc
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Négociations : les industriels de l’agroalimentaire cèdent du terrain à la grande distribution

Les négociations commerciales annuelles entre industriels de l’agroalimentaire et grande distribution ont livré leur verdict pour 2025. Le résultat ? Une hausse moyenne des prix de seulement 1,5 % obtenue par les fournisseurs, bien loin des 5,7 % initialement demandés. Ces chiffres, révélés par le médiateur des relations commerciales agricoles Thierry Dahan, soulignent une nouvelle fois le déséquilibre structurel du rapport de force entre producteurs et distributeurs. Ce décalage met en lumière une tension grandissante : comment préserver la juste rémunération des matières premières agricoles dans un contexte de pressions tarifaires constantes ?

↕️ Un écart significatif entre attentes des industriels et concessions finales

Alors que les entreprises agroalimentaires — des PME aux grands groupes — faisaient face à une hausse marquée de leurs coûts de production, notamment en raison de l’inflation sur les matières premières agricoles, elles espéraient une revalorisation tarifaire de 5,7 % en moyenne. Cette demande s’appuyait notamment sur des hausses spectaculaires dans certains segments, comme le café, le chocolat ou le jus d’orange, dont les cours mondiaux ont fortement progressé.

Mais selon les résultats compilés par l’Observatoire de la Négociation Commerciale (ONC) — organe réunissant industriels (Ania, Feef, Ilec, Coopération Agricole) et distributeurs (FCD, FCA alimentaire) sous la supervision de Thierry Dahan — la réalité est toute autre. En sortie de négociations, la moyenne des hausses acceptées par les enseignes de la grande distribution ne dépasse pas 1,5 %. Une réponse perçue comme insuffisante par les industriels, qui qualifient ces discussions de particulièrement difficiles cette année.

L’ONC rappelle que ces négociations concernent exclusivement les produits alimentaires de grande consommation vendus sous marque nationale, pour un volume annuel estimé à 42 milliards d’euros. Autrement dit, un pan crucial de l’alimentation des Français.

📊 Des hausses disparates et des baisses imposées dans certains secteurs

Si certaines hausses ont été validées, notamment 4,5 % sur les produits de l’épicerie sucrée — avec un accent sur le café et le chocolat — d’autres segments ont souffert de concessions forcées. L’exemple le plus marquant reste celui de l’épicerie salée, où les prix ont en réalité reculé de 1,5 %, malgré les alertes des industriels sur leurs charges croissantes.

Les produits laitiers, le beurre ou encore la viande bovine n’ont vu que de faibles revalorisations, parfois inférieures à l’augmentation des coûts agricoles. Un paradoxe, d’autant plus criant que la loi Egalim impose une protection des matières premières agricoles dans les négociations.

Dans de nombreux cas, les hausses de prix obtenues sont restées inférieures au niveau de la matière première agricole déclarée par les industriels,

souligne l’Observatoire.

Ce constat nourrit le malaise : la loi n’a pas empêché le maintien d’une logique de compression des marges pour les fournisseurs, souvent en bout de chaîne. De leur côté, les distributeurs parlent d’un maintien de la « quasi-stabilité » des tarifs, mettant en avant la protection du pouvoir d’achat des consommateurs.

👁 L'œil de l'expert : vers une reconfiguration nécessaire des règles du jeu

Le décalage croissant entre les réalités économiques des industriels et la rigueur tarifaire imposée par la grande distribution pose un enjeu systémique. À défaut de rééquilibrage, c’est tout le tissu agroalimentaire, notamment les PME les plus vulnérables, qui risque de s’éroder.

Pour restaurer un équilibre durable, il faudra bien un jour renforcer l’effectivité des lois existantes, notamment en s’assurant que le prix de la part agricole soit réellement sanctuarisée. Une transparence accrue des marges, un rôle élargi du médiateur et un cadre contractuel plus équilibré pourraient constituer les piliers d’une négociation plus équitable demain. Sans quoi, la fragilisation des producteurs pourrait se transformer en une crise de souveraineté alimentaire à moyen terme.

À propos de l'auteur

Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français