Supermarchés et alimentation durable : l’appel pressant à un sursaut de l’État
Quand la grande distribution agit... et l’État reste en retrait : A l'occasion de la Journée mondiale du commerce équitable, et à un moment où l'alimentation représente un quart des émissions françaises de gaz à effet de serre, le Réseau Action Climat (RAC) tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Dans une étude publiée ce 13 mai 2025, l’association, qui fédère plusieurs ONG engagées contre le dérèglement climatique, épingle la responsabilité partagée de la grande distribution et des pouvoirs publics dans la lenteur de la transition alimentaire en France.
Intitulée « La grande distribution, alliée ou frein à une alimentation saine et durable pour toutes et tous ? », cette seconde édition de l'évaluation compare les performances de huit enseignes françaises (Carrefour, Intermarché, Monoprix, Leclerc, etc.) sur leurs engagements écologiques et nutritionnels. Le constat est sans appel : si quelques progrès sont notables côté distributeurs, l’absence de cap politique clair fragilise toute dynamique structurelle. Le RAC va jusqu’à évoquer une « inaction coupable des pouvoirs publics », véritable obstacle à une réforme en profondeur du système alimentaire.
📉 Des progrès mitigés côté enseignes, des signaux faibles de l’État
L'étude repose sur 55 entretiens menés auprès de dirigeants du secteur et d’experts, et révèle un paysage contrasté. Trois enseignes (Carrefour, Monoprix et Coopérative U) franchissent la moyenne, tandis que d'autres, comme Aldi (2/20) ou E.Leclerc (4,5/20), affichent un sérieux retard. Le RAC note des avancées en matière de transparence et de planification, mais aussi un écart persistant entre les engagements affichés et la réalité commerciale.
Les rayons, les catalogues promotionnels et les têtes de gondole restent dominé·es par les produits carnés et ultra-transformés, au détriment d’une offre végétale de qualité.
La viande et les produits laitiers représentent à eux seuls les deux tiers des émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation
souligne l’étude.
Surtout, la France reste à la traîne comparée à d'autres pays européens. L’évaluation met en lumière les écarts avec l’Allemagne, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni, où des politiques publiques ambitieuses ont été mises en place pour accompagner les distributeurs.
L’adoption par les pouvoirs publics de lois structurantes et de stratégies cohérentes reste un point de blocage majeur en France
insiste le RAC.
🏛️ Vers une co-construction public-privé, ou l’échec d’une transition ?
Si les distributeurs reconnaissent devoir accélérer leurs efforts, ils s’accordent sur un point essentiel : sans l’intervention décisive de l’État, la transition alimentaire restera un vœu pieux. Le RAC le rappelle avec force :
Il est impératif que les pouvoirs publics fixent un cap clair, assorti d’objectifs quantifiés, et qu’ils agissent pour rendre accessibles les produits durables
L’étude propose plusieurs pistes concrètes :
- Interdire la publicité et le marketing ciblant les enfants pour les produits trop gras, sucrés et salés ;
- Déployer un étiquetage environnemental obligatoire ;
- Réduire les importations de viande, tout en favorisant la production locale et en assurant une juste rémunération des éleveurs ;
- Fixer des objectifs chiffrés de réduction de la consommation de viande, accompagnés du développement de filières de légumineuses.
Ce cadre stratégique devrait être intégré à la prochaine Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC), attendue avant l’été. Le RAC appelle l’exécutif à ne pas rater ce rendez-vous. Pour l’association, il est temps de transformer les attentes communes de la société civile et du secteur privé en politiques publiques concrètes.
Comme le résume le rapport : « Les règles du jeu doivent être définies collectivement pour garantir une alimentation durable, saine et équitable. » Il s’agit moins d’un affrontement entre acteurs que d’une nécessaire synergie à bâtir d’urgence.
👁️ L’œil de l’expert : une transition suspendue à la volonté politique
Ce rapport met en lumière une réalité glaçante : la transition alimentaire ne pourra pas reposer uniquement sur la bonne volonté des entreprises. Malgré des avancées notables, la dynamique reste freinée par l'absence de cadre étatique structurant. Les distributeurs sont prêts à s’engager, mais l’État ne joue pas son rôle d’impulsion stratégique.
Dans un contexte d’urgence écologique, de précarité alimentaire croissante et de défiance généralisée, la SNANC constitue une opportunité politique majeure. Elle pourrait permettre à la France de combler son retard européen et de répondre aux attentes sociétales en matière d’alimentation durable. Faute de quoi, l’inaction actuelle risque de devenir le plus grand frein à une transformation devenue vitale.
À propos de l'auteur
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