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Photo d'un écran tactile, reprenant les applications de Temu et de Shein
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Vinted vs Shein : la guerre silencieuse des géants du vêtement en France

Alors que le secteur de l’habillement subit de profondes mutations, deux poids lourds du commerce en ligne captent l’attention : d’un côté, Vinted, symbole de la montée en puissance de la seconde main, de l’autre, Shein, incarnation du fast fashion mondialisé. Mais qui, entre ces deux modèles opposés, domine réellement le marché français du vêtement ? Le dernier baromètre de l’Institut Français de la Mode (IFM) apporte un éclairage décisif sur cette bataille d’influence, où les volumes vendus, les parts de marché et les dynamiques économiques dessinent un paysage plus nuancé qu’il n’y paraît.

👖 Vinted en tête des volumes : la seconde main en acteur de premier plan

Selon le baromètre trimestriel de l’Institut Français de la Mode, relayé par Les Échos, Vinted s’impose comme le premier vendeur de vêtements en volume en France. Ce classement, qui repose sur les quantités écoulées et non sur la valeur des achats, place la plateforme lituanienne loin devant Shein — pourtant réputée pour ses prix cassés et son marketing offensif auprès des jeunes consommateurs.

Avec un chiffre d’affaires de 813 millions d’euros en 2024, en hausse de 36 %, et un bénéfice net de 77 millions d’euros, multiplié par quatre par rapport à l’année précédente, Vinted confirme sa rentabilité dans un secteur historiquement difficile à monétiser. C’est la deuxième année consécutive que la plateforme dégage des bénéfices, ce qui en fait une exception dans l’univers du e-commerce textile.

De plus,  la seconde main représente désormais 11 % des volumes de vêtements vendus en France, un chiffre significatif, compte tenu du prix moyen très bas du textile d’occasion. Cette croissance s’inscrit dans un double mouvement : une recherche accrue d’économies par les ménages, mais aussi une volonté croissante de consommer de manière plus responsable.

💻 Shein, Temu, Amazon : domination relative en ligne, mais pouvoir d’achat limité

Bien que certains classements, fondés sur les dépenses globales des consommateurs, placent Shein en tête des enseignes où les Français ont le plus dépensé en 2024, l’IFM nuance fortement cette perception. En termes de volumes vendus, Shein n’arrive qu’en cinquième position, devancé notamment par Amazon et Kiabi.

L'étude révèle un fait marquant : Shein, Temu et Amazon représentent ensemble 29 % des ventes de vêtements en ligne, mais leur poids dans l’ensemble du marché de l’habillement ne dépasse pas 7 %. Le secteur reste extrêmement fragmenté, sans acteur ultra-dominant, en raison du grand nombre d’enseignes — physiques comme numériques — encore actives.

Les enseignes traditionnelles conservent en effet une résistance significative. Kiabi, par exemple, se hisse à la troisième place des vendeurs de vêtements en volume, tandis que des géants comme H&M, Intersport, Carrefour ou E.Leclerc figurent toujours dans le top 10. Quant à Temu, malgré un marketing agressif, il ne se classe qu’à la 23ᵉ place, preuve d’un impact encore marginal sur ce marché.

Les prix bas demeurent une priorité pour les consommateurs français, avec des dépenses moyennes limitées : 14 € pour un t-shirt, 32 € pour une chemise, 33 € pour un jean femme, et 38 € pour une robe, selon l’IFM. Cette sensibilité tarifaire laisse à penser que le succès des plateformes low-cost pourrait être plus fragile qu’il n’y paraît, surtout face à des alternatives perçues comme plus vertueuses.

👁 L'œil de l’expert : un choc de modèles plus qu’un duel de marques

L’affrontement entre Vinted et Shein ne se résume pas à une compétition commerciale ; il incarne deux visions de la consommation textile. L’un capitalise sur la durabilité, l’économie circulaire et la sobriété budgétaire, l’autre sur la rapidité, la nouveauté constante et l’ultra-accessibilité.

Comme le montre l’analyse de l’Institut Français de la Mode, la domination de Vinted en volume n’est pas seulement le fruit d’une tendance passagère, mais d’un changement structurel des comportements. À l’inverse, la performance de Shein, bien qu’impressionnante en termes de chiffre d’affaires, semble plus dépendante des dynamiques conjoncturelles que d’un ancrage profond dans les usages.

Les enseignes physiques, loin d’avoir dit leur dernier mot, bénéficient encore d’un ancrage territorial et d’un capital confiance fort, qui leur permet de résister à l’assaut du numérique. L’avenir du vêtement en France pourrait bien reposer sur une cohabitation complexe entre modèles hybrides, intégrant prix, responsabilité et accessibilité.

À propos de l'auteur

Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français