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Photo du logo de la marque Shein, détaillant chinois de mode en ligne leader sur son marché
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Invendus : Le nouveau scandale fiscal qui va secouer l'industrie textile

Dans un monde où la surproduction textile atteint des sommets, certaines grandes enseignes réussissent à transformer leurs invendus en une véritable manne financière. Un système de déductions fiscales, créé par la loi antigaspillage de 2022, leur permet de rentabiliser la surproduction tout en infligeant un coût considérable aux finances publiques. Si des entreprises comme Decathlon, Shein ou Kiabi semblent jouer avec les règles, les associations de solidarité et les contribuables en paient le prix. Mais comment ces géants du secteur exploitent-ils cette législation pour maximiser leurs profits ?

🧵 La loi antigaspillage : une aubaine pour les géants du textile

La loi antigaspillage, entrée en vigueur en 2022, a été pensée pour limiter l’impact écologique des invendus en obligeant les entreprises à recycler, vendre à bas prix ou donner leurs excédents à des associations. En contrepartie, ces dernières bénéficient de réductions fiscales conséquentes, parfois jusqu'à 60 % de la valeur des articles donnés. Un mécanisme savamment exploité par des poids lourds comme Shein, Decathlon ou Kiabi.

D’après une enquête menée par Disclose et Reporterre, ces grandes enseignes utilisent habilement ce dispositif pour alléger leur fiscalité, parfois de manière contestable. Le principe est simple : un article invendu, même vendu à perte pour être donné à une association, permet à l’entreprise de récupérer une partie importante de son coût de fabrication sous forme de réduction fiscale. Par exemple, un pantalon d'une valeur de 12 euros peut donner lieu à une réduction d’impôt de 7,20 euros pour Shein s’il est donné à une recyclerie.

Romain Canler, directeur de l'Agence du don en nature, précise : 

Ce système est particulièrement avantageux car les entreprises déterminent elles-mêmes la valeur de leurs produits, ce qui permet d’optimiser les déductions fiscales

Cela signifie que les grandes marques ont une marge de manœuvre considérable pour gonfler artificiellement la valeur de leurs invendus et maximiser les réductions d’impôt. En 2024, Decathlon, par exemple, aurait bénéficié de 709 000 euros d’avantages fiscaux pour 1,18 million d'euros de produits invendus.

🤝 L’illusion de la solidarité : les acteurs du système et leurs dérives

Les entreprises textiles, en quête de rentabilité, trouvent dans ce système une opportunité de réduire leurs coûts tout en jouant sur l’apparence d’un geste solidaire. Les invendus sont souvent redistribués via des start-ups intermédiaires qui facilitent la connexion entre les grandes marques et les associations, tout en prenant leur commission.

Cependant, les pratiques déloyales ne s’arrêtent pas là. Kiabi, par exemple, a réussi à pousser le système à l’extrême en doublant la production de ses invendus entre 2021 et 2023. Ces surplus étaient donnés à des enseignes affiliées, telles que « Des Petits Magasins », appartenant au même groupe. Cela permet à Kiabi de bénéficier d’une déduction fiscale tout en augmentant artificiellement le volume de ses invendus. Ce genre de manœuvre met en lumière l’exploitation du système à des fins strictement commerciales, bien loin de l’objectif écologique initial de la loi antigaspillage.

Mais ce sont les associations qui, en fin de chaîne, subissent les conséquences. En plus d’être submergées par des tonnes de vêtements qu'elles peinent à distribuer, elles sont de plus en plus contraintes de les détruire à leurs frais. De nombreuses organisations caritatives dénoncent également l’impact négatif sur leurs ressources, qui seraient détournées de leur mission première pour gérer des excédents inutiles.

👁️ L’œil de l’expert : une loi “à l'envers”

Les dérives de ce système montrent que, bien loin de lutter contre la surproduction textile, la loi antigaspillage a permis à certains géants de l’industrie de rendre leur surproduction rentable, tout en transférant les coûts environnementaux et sociaux aux associations et au contribuable. Les réductions fiscales massives accordées aux entreprises doivent être sérieusement remises en question. Il est impératif que des mécanismes de contrôle plus rigoureux soient instaurés pour éviter ces abus. Le secteur du textile doit se réformer en profondeur, en adoptant une approche plus transparente et véritablement responsable vis-à-vis de l’environnement et des consommateurs.

À propos de l'auteur

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