Linkedin CréditNews
Photo du célèbre Livret A, compte d'épargne réglementé, ouvert à tous et défiscalisé
3 minutes

Livret A en chute libre : la désaffection des épargnants face à un rendement déclinant

Le mois de mars 2025 a marqué un tournant inquiétant pour l’épargne réglementée en France. Selon les données publiées par la Caisse des Dépôts (CDC), le Livret A, pourtant pilier de la sécurité financière des ménages français, a connu sa pire collecte nette depuis neuf ans. Une situation révélatrice du désintérêt croissant pour ce placement autrefois plébiscité, désormais victime de la baisse de son taux de rémunération, d’une concurrence accrue, et d’une perte de compétitivité face à l’inflation. Dans un contexte de transformation rapide de l'épargne, le paysage financier français se reconfigure sous l'effet combiné de rendements dégradés et d’une offre alternative élargie.

📉 Rendement en berne, désaffection en hausse : recul historique du Livret A

En mars 2025, les dépôts sur le Livret A n'ont dépassé les retraits que de 400 millions d’euros, un niveau historiquement bas depuis 2016, signale la Caisse des Dépôts. Plus préoccupant encore, cette collecte nette reste inférieure à celle du Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS), pourtant plafonné à un montant plus modeste, avec 610 millions d’euros collectés.

Sur l’ensemble du premier trimestre, la collecte cumulée des deux produits atteint à peine 3,53 milliards d’euros, soit près de trois fois moins que les 9,08 milliards enregistrés sur la même période en 2024. Un recul symptomatique du désengagement progressif des épargnants vis-à-vis de ces supports traditionnels.

L’explication principale : la baisse du taux du Livret A de 3 % à 2,4 %, intervenue le 1er février, et dont l’annonce mi-janvier avait déjà refroidi les intentions de placement. D’après Philippe Crevel, président du Cercle de l’Épargne, une nouvelle révision à la baisse est "probable le 1er août prochain", avec un taux susceptible de tomber à 1,7 %, sous l’effet combiné de la décélération de l’inflation et de la détente des taux interbancaires de la BCE.

Cette érosion du rendement fragilise la compétitivité du Livret A, surtout face aux fonds en euros de l’assurance-vie, qui offrent également un capital garanti mais avec des taux parfois supérieurs. Autre acteur émergent : le Plan d’Épargne Avenir Climat (PEAC), récemment lancé par le groupe BPCE, destiné à capter l’épargne des moins de 21 ans pour financer la transition écologique. Une initiative qui préfigure la diversification croissante de l’offre bancaire au détriment des produits traditionnels.

Si les encours restent massifs – 444,2 milliards d’euros pour le Livret A et 162,4 milliards pour le LDDS, soit 606,6 milliards d’euros au total – cette inertie masque une dynamique de collecte affaiblie. Le Livret d’Épargne Populaire (LEP), censé protéger les revenus modestes de l’érosion monétaire, subit lui aussi un net ralentissement, avec seulement 140 millions d’euros de collecte nette en mars, pour un encours global de 82,8 milliards.

👁 L'œil de l'expert : nouvelle cartographie de l’épargne en France

Ce désengagement du Livret A s’inscrit dans une mutation profonde du comportement des épargnants, tiraillés entre sécurité du capital  (propre aux épargnants français) et quête de rendement. Alors que les produits classiques perdent en attractivité, les établissements financiers accélèrent le lancement de solutions alternatives, notamment ciblées sur l’écologie ou la jeunesse.

À court terme, les pouvoirs publics devront anticiper les conséquences directes d’un affaiblissement du Livret A, notamment en matière de financement du logement social, historiquement adossé à ce produit. À moyen terme, une révision de la formule de calcul du taux pourrait s’avérer nécessaire, tout comme un rééquilibrage fiscal pour rétablir l’intérêt de l’épargne réglementée face aux produits de marché.

Enfin, la montée des enjeux environnementaux appelle à une réorientation structurelle de l’épargne vers la transition écologique, avec un accompagnement pédagogique renforcé pour les jeunes générations, principales cibles des nouvelles offres comme le PEAC.

À propos de l'auteur

Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français