Les exportations d’armement françaises confirment leur envolée en 2024, atteignant 21,6 milliards d’euros de commandes selon le dernier rapport du ministère des Armées. Cette performance, qui replace la France au 2ᵉ rang mondial derrière les États-Unis, s’inscrit dans un contexte de tensions géopolitiques accrues et de budgets militaires en hausse. Si l’aéronautique et le naval dominent les prises de commandes, la dynamique repose surtout sur un marché européen en pleine mutation.
🇪🇺 L’Europe, pilier des commandes françaises
Le rapport met en lumière un fait marquant : près de 60 % des exportations françaises proviennent désormais de l’Europe, contre une proportion historiquement plus tournée vers le Moyen-Orient et l’Asie. L’effet Ukraine joue à plein, avec des États qui renforcent massivement leurs capacités militaires.
Parmi les principaux contrats figurent :
Pays-Bas : 5,9 milliards € (sous-marins Barracuda)
Indonésie : 3,56 milliards € (Rafale)
Serbie : 2,75 milliards € (Rafale)
Irak : 1,25 milliard €
Pologne : 1,18 milliard €
Cette dynamique conforte le rôle de l’industrie française comme fournisseur stratégique sur le continent. Le soutien militaire à l’Ukraine représente également 907 millions € en 2024, portant le cumul depuis février 2022 à 5,9 milliards €.
📊 Une industrie dopée mais confrontée à une concurrence féroce
Le secteur aéronautique reste dominant avec 43 % des ventes, suivi du naval (33 %) et des matériels terrestres (15 %). D’autres segments complètent le tableau : radars et communications (5 %), missiles (4 %).
Pour autant, derrière ce bilan flatteur, les revers existent. Naval Group a perdu un appel d’offres stratégique en Norvège au profit des Britanniques et a également échoué au Canada sur le marché des sous-marins. Ces échecs rappellent que la compétition internationale est exacerbée, même entre alliés.
L’ ex-ministre des Armées Sébastien Lecornu a rappelé que « les exportations restent une condition absolument nécessaire pour assurer le maintien d’une base industrielle apte à équiper nos forces », soulignant l’interdépendance entre contrats extérieurs et souveraineté militaire nationale.
⚖️ Zones sensibles et polémiques récurrentes
Si les chiffres sont records, certains marchés soulèvent toujours des controverses diplomatiques et éthiques. Les exportations à destination d’Israël n’ont représenté que 27 millions € en 2024 (223 millions € sur dix ans), composées essentiellement de pièces pour systèmes défensifs ou destinées à la réexportation. Les ONG dénoncent néanmoins ces flux, accusant la France de contribuer indirectement à des conflits sensibles.
Le rapport officiel réplique fermement :
La France ne livre pas d’armes à Israël, mais exporte des composants ayant vocation à être intégrés dans des systèmes défensifs ou à être réexportés vers des pays tiers.
Ce débat illustre la tension entre impératifs économiques, diplomatie internationale et responsabilité éthique. Dans un monde où les dépenses militaires mondiales ont atteint 2.470 milliards € en 2024 (+9 % sur un an, selon le Sipri), la France continue d’avancer sur une ligne de crête stratégique.
👁 L’œil de l’expert
La progression spectaculaire des exportations françaises confirme la vitalité de son industrie de défense, mais elle accentue aussi sa dépendance aux marchés extérieurs pour garantir son équilibre industriel. Si l’Europe offre de nouvelles opportunités, la concurrence avec les États-Unis et le Royaume-Uni reste redoutable.
À moyen terme, la question clé sera la capacité de la France à conserver ses parts de marché tout en assumant la dimension politique et éthique de ses ventes. Dans un environnement géopolitique sous tension, chaque contrat engage bien plus que des intérêts financiers : il scelle des alliances, influence des équilibres régionaux et dessine la diplomatie militaire de demain.