Escroquerie bancaire : l’arnaque du faux conseiller frappe plus d’un million de Français

Un appel, un doute, puis le cauchemar: un simple coup de fil a suffi à tout faire basculer. Fin 2023, Thibaut Martinez-Delcayrou, journaliste sportif reconnu, reçoit un appel qui semble provenir de sa banque. À l’autre bout du fil, une voix lui parle de virements suspects à bloquer d’urgence. Rapidement, l’appel devient un piège. Le journaliste, prudent de nature, est rassuré par des interlocuteurs capables de lui réciter toutes ses informations personnelles, comme s’ils étaient réellement de son établissement bancaire. En transmettant un code reçu par SMS, censé annuler les opérations, il autorise en réalité une transaction frauduleuse. Son compte est vidé. Mais au lieu de s’effondrer, il contre-attaque. Sa mésaventure personnelle devient le point de départ d’une vaste enquête sur ce fléau qui a touché plus d’un million de victimes en France en 2023, causant un préjudice estimé à plus d’un milliard d’euros. De ce choc naît un ouvrage explosif : Les Caméléons : enquête sur l’arnaque aux faux conseillers bancaires.

🧠 Une fraude hyperstructurée : des escrocs bien organisés, un État passif

Derrière l’arnaque, pas de bricolage artisanal mais une machine professionnelle, bien huilée, méthodique. Pendant plus d’un an, Thibaut Martinez-Delcayrou va collaborer avec la brigade financière, rencontrer juges d’instruction, policiers et avocats pour démasquer les rouages de cette fraude de masse. Résultat : 2 500 documents analysés, des liens établis avec des réseaux mafieux, et une révélation choc — des infiltrations internes dans plusieurs établissements bancaires. Des employés corrompus agissent comme complices, transmettant données et failles aux réseaux d'escrocs.

La sophistication des techniques est glaçante. Grâce à la spoofing, les arnaqueurs usurpent les numéros officiels des banques pour passer leurs appels, rendant leur discours crédible.

Les opérateurs permettent encore aujourd’hui d’utiliser les numéros des établissements bancaires. Les institutions ferment les yeux

dénonce le journaliste, pointant une inaction à la fois étatique et technologique. Malgré l’ampleur du phénomène, peu d’actions concrètes sont engagées. L'État reste passif face à ce qui est, selon Martinez-Delcayrou, « la plus grande escroquerie jamais perpétrée en France ».

👤 Cibles jeunes, menaces réelles et un silence qui dérange

Autre découverte alarmante : les moins de 35 ans représentent 72 % des victimes ciblées. Pourquoi cette tranche d’âge ? Parce qu’elle est plus exposée aux outils numériques, moins méfiante face aux appels entrants, et souvent moins formée à repérer les signaux faibles d’une escroquerie. L’arnaque s’appuie donc sur des failles humaines et comportementales autant que sur des failles technologiques.

Mais la révélation du journaliste ne s’arrête pas là. Depuis la sortie de son livre, il reçoit des menaces explicites.

Quand on lève le voile sur les escrocs, sur leurs alliés silencieux, et sur des pratiques qui dérangent, on devient une cible

confie-t-il à BFMTV. Ces pressions ne font que renforcer sa conviction : l'omerta qui règne autour de cette arnaque est volontaire, entretenue par ceux qui ont intérêt à ce qu’elle perdure.

👁 L’œil de l’expert : un scandale national sous-estimé

👉 Cette affaire révèle une triple faillite : celle de la cybersécurité bancaire, celle de la prévention institutionnelle, et celle d’une régulation qui reste sourde aux alertes. La porosité des systèmes, combinée à un manque de réactivité des opérateurs et des pouvoirs publics, offre un terrain de jeu idéal aux arnaqueurs. Ce que Thibaut Martinez-Delcayrou dévoile, c’est le visage d’un scandale latent, qui, faute de réaction rapide, pourrait devenir la norme plutôt que l’exception.

Face à cela, une réponse ferme s’impose : traçabilité des appels, encadrement renforcé du spoofing, révision des protocoles de sécurité bancaire et campagnes massives d’information publique. Car dans cette guerre invisible, la méfiance seule ne suffira plus.