Face à une dette publique atteignant des sommets historiques, François Bayrou change de stratégie. Le Premier ministre prend directement la parole sur YouTube pour sensibiliser les Français aux enjeux du désendettement, justifier les 44 milliards d’euros d’économies annoncées pour 2026, et inviter la population à prendre part à un effort collectif sans précédent.
Dans un exercice de communication inédit, qui mêle pédagogie économique et volonté politique, Bayrou veut replacer les citoyens au cœur de la décision budgétaire. Mais derrière ce discours engageant, c’est un diagnostic implacable sur la trajectoire économique de la France qui est dressé, avec un avertissement clair : la fin du « quoi qu’il en coûte » est actée.
📉 Un déficit structurel devenu chronique
La dette de la France s’élève aujourd’hui à 3.400 milliards d’euros, et croît à hauteur de 5.000 euros chaque seconde, martèle François Bayrou dans sa première vidéo diffusée ce mardi 5 août sur YouTube. Ce chiffre choc, qu’il répète à dessein, vise à imprimer dans l’opinion publique la gravité de la situation budgétaire.
Ce mal, c’est le surendettement. Quand on est obligé d’emprunter pour simplement payer les frais de tous les jours, ça s’appelle le surendettement
explique-t-il, en insistant sur le caractère insoutenable d’une gestion publique dépendante du crédit.
Selon lui, la dernière fois que la France a voté un budget à l’équilibre remonte à 1974. En un demi-siècle, l’accumulation des déficits est devenue un modèle, jusqu’à en menacer la soutenabilité. D’ici 2029, le coût annuel de la dette devrait exploser de 100 milliards d’euros, une charge qui pèse déjà lourdement sur les finances publiques.
À mesure que les taux d’intérêt remontent, l’État consacre une part croissante de ses ressources au seul service de la dette, réduisant d’autant sa capacité d’investissement, notamment dans les services publics et la transition énergétique.
💶 Une rigueur expliquée en direct
Dans ce contexte, le gouvernement a présenté en juillet un plan de rigueur de 44 milliards d’euros, assorti d’une promesse : ces efforts seront supportables et répartis de manière équitable. Conscient du rejet qu’inspire souvent le mot « rigueur », Bayrou tente de renverser la perception par un récit de responsabilité collective, appelant chacun à être « la génération qui accepte les efforts nécessaires ».
Il n’y a pas d’autre chemin
affirme-t-il sans ambiguïté. À travers son podcast FB Direct et ses vidéos pédagogiques, le chef du gouvernement veut restaurer un lien de confiance avec les citoyens, mais aussi les impliquer directement dans le débat budgétaire. Dès la semaine prochaine, les Français pourront lui poser leurs questions, auxquelles il répondra en différé.
Cette approche immersive et voulue transparente, inspirée du modèle anglo-saxon, vise à dépolitiser la rigueur en la ré-humanisant. Il ne s’agit plus seulement d’un tableau Excel de Bercy, mais d’un projet national qui engage chaque foyer, chaque entreprise, chaque génération.
Selon Bayrou, « si nous refusons cet effort maintenant, nous ne trouverons bientôt plus de prêteurs ». Une manière de dire que le choix n’existe plus vraiment, et que la souveraineté budgétaire est menacée à court terme.
👁️🗨️ L’œil de l’expert : une dette qui nous dirige
Pour l’économiste Marie-Charlotte Fouché, spécialiste des finances publiques :
Ce type d’initiative est salutaire si elle s’accompagne d’un vrai effort de transparence. La pédagogie budgétaire peut réduire la défiance, mais elle ne suffit pas : les Français attendent des preuves concrètes que l’effort est justement réparti et qu’il produit des résultats visibles.
L’erreur serait de penser que l’endettement est purement un problème comptable. C’est d’abord un sujet de souveraineté économique et de projection nationale. En mettant en lumière la mécanique infernale du service de la dette, Bayrou cherche à provoquer un électrochoc. Il prend le pari risqué de la vérité crue, espérant que les Français préféreront une rigueur assumée à une austérité imposée par les marchés.