Les « freinages fantômes », ces arrêts soudains provoqués par les systèmes de freinage d’urgence automatique (AEB), ne sont plus de simples incidents isolés. Avec plus de 400 signalements en quelques semaines en France, le phénomène alarme autant les autorités publiques que les investisseurs. Derrière l’enjeu sécuritaire se cache une question centrale : l’équilibre économique d’une filière automobile déjà fragilisée. Comme l’écrivait récemment la lanceuse d’alerte Joanna Peyrache, « c’est toute la chaîne de valeur qui se trouve menacée ».
🚗 Une crise de confiance au prix fort
L’intégration obligatoire des AEB depuis 2022 avait été présentée comme une avancée technologique majeure. Mais les dysfonctionnements constatés fragilisent aujourd’hui le modèle économique des constructeurs. Reconnaître une faille généralisée pourrait signifier des rappels massifs – comparables au scandale Takata – et des coûts de plusieurs centaines de millions d’euros pour des groupes comme Stellantis ou Renault.
Au-delà des coûts immédiats, le risque est celui d’une érosion durable de la confiance. Les aides à la conduite sont la première marche vers le marché de la conduite autonome, estimé à 300 milliards de dollars d’ici 2035. Une remise en cause technologique à ce stade fragilise dix années d’investissements et met en péril la compétitivité des champions européens face aux acteurs américains et asiatiques.
L’impact ne se limite pas aux constructeurs. Les équipementiers – Bosch, Valeo, Continental – voient également leur responsabilité engagée. Une telle crise pourrait donc devenir systémique, menaçant la stabilité d’une filière qui pèse près de 10 % de la valeur ajoutée industrielle française.
📉 Tout l’écosystème sous pression
Les assureurs redoutent déjà une explosion des sinistres liés à ces incidents. Selon plusieurs analystes, ils pourraient être contraints de réviser leurs barèmes et de mettre en place une segmentation tarifaire en fonction des technologies embarquées. Résultat : une augmentation du coût total de possession pour les automobilistes, dans un contexte de pouvoir d’achat déjà contraint.
Côté marchés financiers, la nervosité est palpable. Les titres automobiles, affaiblis par un recul de 5 % des immatriculations neuves en France au premier semestre 2025, pourraient plonger davantage si un rappel massif venait à être confirmé. Le secteur, déjà sous tension, verrait sa valorisation boursière s’éroder.
Enfin, l’État se retrouve face à un arbitrage délicat. Comme le souligne un haut fonctionnaire du ministère des Transports :
Protéger les consommateurs sans déstabiliser un secteur qui représente plus de 400.000 emplois est un exercice d’équilibriste.
La comparaison avec le dieselgate s’impose : un scandale qui avait fragilisé la crédibilité européenne tout en bouleversant la stratégie industrielle des constructeurs.
👁️ L’œil de l’expert
Derrière ce dossier brûlant, une évidence s’impose : la crise des « freinages fantômes » dépasse le simple problème technique. Elle révèle la dépendance croissante de l’industrie automobile aux logiciels et capteurs. À court terme, les constructeurs devront absorber des coûts supplémentaires et rassurer leurs clients. Mais à long terme, c’est la crédibilité même de la transition vers la conduite autonome qui est en jeu.
Les opportunités ne sont pas absentes : startups spécialisées en cybersécurité automobile, assureurs innovants et régulation européenne plus stricte pourraient transformer cette crise en levier de consolidation. Mais pour l’heure, le secteur doit avant tout restaurer la confiance d’investisseurs et de consommateurs déjà échaudés.