Le festival métal le plus célèbre de France ne se contente pas de brasser de la bière et des décibels. Sa programmation cache aussi une véritable mécanique économique, riche en données, en diversité… et en logistique internationale. Zoom sur l’envers du décor, en deux volets chiffrés.
Une carte du monde pour scène
Derrière les 183 groupes programmés pour le Hellfest 2025, ce sont 763 musiciens issus de 26 pays qui convergeront vers Clisson. Si la scène a des airs d’O.N.U du métal, certaines nations pèsent bien plus lourd dans la balance. Les États-Unis s’arrogent la première place avec 63 groupes à l’affiche, loin devant les pays nordiques (26 groupes cumulés), le Royaume-Uni (16) et l’Allemagne (13). La France, quant à elle, affiche une légère baisse avec 26 groupes, soit trois de moins qu’en 2024 — dont six issus de Nantes, berceau local du festival.
Cette diversité géographique n’est pas qu’un gage de richesse artistique : elle représente aussi un enjeu logistique et budgétaire colossal. Grégory Hourlier, créateur de la vidéo « Hellstats » dévoilée chaque année, souligne une statistique impressionnante :
C’est Kim Dracula, artiste venu de Tasmanie, qui bat le record de distance parcourue, avec 17.509 km entre Hobart et Clisson
note-t-il. Un déplacement aux coûts environnementaux et financiers non négligeables, dans un contexte où la durabilité des festivals est de plus en plus scrutée.
Anciens piliers, nouvelles recrues : un mix générationnel à rentabiliser
L’analyse des « Hellstats », réalisée minutieusement par Hourlier dans la nuit qui a suivi l’annonce de la programmation, met aussi en lumière un équilibre subtil entre têtes d’affiche historiques et nouveaux talents. D’un côté, les vétérans comme Scorpions (formés en 1965), Judas Priest (1969) ou Pentagram (1971) incarnent une valeur sûre, capable d’attirer un public fidèle et intergénérationnel. De l’autre, le Hellfest capitalise sur la fraîcheur : 75 % des groupes de 2025 sont nés après l’an 2000, contre seulement 42 % en 2024. Une stratégie qui anticipe le renouvellement des audiences, sans sacrifier les mythes.
Côté fidélité, le festival mise aussi sur une forme de continuité émotionnelle : Walls of Jericho, avec sept participations, devient le groupe le plus invité de l’histoire du Hellfest, devant Airbourne et Terror (six participations chacun). Un choix payant :
Le public aime retrouver ses repères, c’est une fidélisation émotionnelle aussi efficace qu’un programme de CRM
souligne Grégory Hourlier.
Enfin, sur le plan de l’inclusivité, 41 groupes intègrent des musiciennes dans leurs rangs, pour un total de 65 artistes féminines — soit 8,5 % des effectifs, contre seulement 2 % en 2019. Ce virage est aussi un signal marketing fort. Il trouvera son point d’orgue avec une Mainstage 2 100 % féminine le 20 juin, une première dans l’histoire du festival.
L’œil de l’expert: un cas d’école
Derrière l’énergie brute et l’imagerie infernale, le Hellfest se révèle être une machine économique hautement stratégique. Son approche de la programmation va bien au-delà des goûts musicaux : optimisation logistique, rentabilité des figures historiques, renouvellement générationnel, diversification géographique et inclusion progressive forment les piliers d’une édition qui regarde autant vers l’équilibre financier que vers la scène. Chaque année, les « Hellstats » de Grégory Hourlier ne se contentent pas d’amuser les fans : ils révèlent la mécanique fine d’un festival devenu un cas d’école en matière de gestion culturelle et événementielle.