Face à une crise du logement qui menace l’ensemble du parc locatif français, le gouvernement se prépare à proposer un nouvel outil fiscal : le « statut du bailleur privé ». Annoncé par Vincent Jeanbrun, ministre de la Ville et du Logement, ce dispositif vise à relancer l’investissement locatif privé tout en apportant un soutien concret aux locataires. « La lettre de mission confiée par le Premier ministre a été claire et demande un plan d’urgence pour le monde du logement. Nous avons de toutes parts des signaux d’une crise qui arrive à son paroxysme, il est urgent d’inverser la tendance », a déclaré le ministre à l’AFP.
🔧 Un levier fiscal pour stimuler l’investissement privé
L’objectif affiché du gouvernement est clair : encourager les investisseurs privés à revenir sur le marché locatif, fortement affecté depuis la disparition du dispositif Pinel en 2024. Selon Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), « cette initiative constitue une très bonne nouvelle » et marque le retour de ce « dossier en haut de la pile ».
La première mouture de l’amendement prévoit un mécanisme d’amortissement fiscal de 2 % sur les revenus locatifs des logements neufs, assorti d’incitations pour la rénovation énergétique des biens anciens. Ces mesures s’inspirent des travaux initiés par l’ex-ministre Valérie Létard et du rapport parlementaire de Mickaël Cosson et Marc-Philippe Daubresse, qui proposait également des bonus fiscaux pour les propriétaires louant à des loyers modérés ou à des ménages modestes, une exonération d’impôts après vingt ans de détention, ainsi que l’exclusion des résidences principales louées de l’assiette de l’IFI.
Le contexte est préoccupant : entre janvier et juin 2025, les acquisitions de logements neufs par des particuliers ont chuté de moitié par rapport à la même période en 2024. Olivier Salleron, président de la FFB, juge le taux de 2 % « trop faible », un avis partagé par Pascal Boulanger, soulignant la nécessité de mesures plus attractives pour mobiliser les capitaux privés.
🏘️ Régulation et contreparties
Pour Pierre Madec, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), « c’est un message positif de dire qu’il faut dynamiser l’investissement locatif privé ». Il avertit toutefois que ces incitations fiscales doivent s’accompagner de garanties pour les locataires, notamment des plafonnements de loyers similaires à ceux du dispositif Pinel, afin de prévenir toute dérive spéculative.
Le ministre Vincent Jeanbrun a par ailleurs évoqué la nécessité de limiter la concentration des logements sociaux par commune. La loi SRU impose aux communes urbaines de disposer d’au moins 20 à 25 % de logements sociaux, mais aucune limite supérieure n’est fixée. En 2022, 1 161 communes n’atteignaient pas le seuil minimum, soit 54 % des 2 157 concernées, illustrant l’urgence d’une meilleure régulation territoriale.
L’objectif affiché est double : stimuler l’investissement privé pour augmenter l’offre locative et assurer une répartition plus équilibrée du logement social sur le territoire, évitant ainsi les déséquilibres socio-économiques et la concentration de difficultés dans certaines zones.
👁️ L’œil de l’expert : un outil fragile
Le « statut du bailleur privé » pourrait constituer un tournant pour le marché locatif français. Toutefois, son efficacité dépendra de l’équilibre entre incitations fiscales et régulation. Sans contreparties claires pour protéger les locataires, le dispositif risque de favoriser uniquement les investisseurs, sans résoudre la pénurie de logements accessibles. Une approche mesurée et concertée avec les acteurs économiques et les collectivités locales sera indispensable pour que cette réforme serve à la fois les bailleurs et les locataires, tout en contribuant à la stabilisation du marché immobilier français.





