Malgré un léger rebond des chantiers en octobre, la filière du logement neuf reste durablement enlisée dans une crise profonde. Les données publiées par le ministère de la Ville et du Logement montrent une dynamique contradictoire : des permis de construire en fort recul, mais des mises en chantier temporairement en hausse. Ce contraste, combiné à une conjoncture défavorable — explosion des coûts, taux d’intérêt pénalisants et dispositifs fiscaux en extinction — continue de fragiliser un secteur clé pour l’économie française.
📉 Permis : un indicateur clé au rouge
Le mois d’octobre confirme une tendance inquiétante : les autorisations de construire se contractent de 5,8 % en un mois. Le SDES détaille que 31 107 logements ont été autorisés, mais la tendance demeure très hétérogène avec un très léger regain (+0,6 %) pour les maisons individuelles, quand les logements collectifs connaissent un repli massif (-9,2 %).
Sur un an glissant (novembre 2024 – octobre 2025), seuls 374 133 permis ont été délivrés, un niveau 11 % inférieur à la moyenne des cinq années précédentes, signe d’un ralentissement durable et structurel.
Corrections statistiques à répétition : un secteur difficile à lire – Depuis la refonte méthodologique du SDES, les données de mois précédents sont régulièrement ajustées : le gain de septembre initialement annoncé à +2,8 % a finalement été ramené à +2,2 %, alors que la chute des mises en chantier, évaluée au départ à -8,9 %, a été révisée à -6,7 %. Ces révisions rendent la lecture de la conjoncture plus complexe et soulignent l’incertitude ambiante.
Un signal économique majeur – Dans le domaine immobilier, les permis sont un indicateur avancé. Leur baisse prolongée annonce un recul de l’offre future, ce qui pourrait accentuer la pénurie, maintenir les prix sous tension, et réduire la capacité de relancer le secteur.
🚧 Chantiers en rebond… sur un marché à l’arrêt
En octobre, les mises en chantier semblent repartir, avec une hausse de 12,9 %, après un mois précédent négatif. Le ministère reste pour autant prudent et parle de données provisoires, estimant 27 187 logements lancés. Pourtant, la tendance structurelle reste catastrophique avec 274 104 logements commencés sur douze mois, soit 22,2 % en dessous de la moyenne des cinq années antérieures. Bref ce rebond mensuel ne compense en rien la chute prolongée.
Les racines économiques d’un blocage généralisé – Depuis trois ans, la construction neuve est plombée par une combinaison explosive qui s’articule autour de la flambée du coût des matériaux (béton, acier, bois), la hausse drastique des taux d’intérêt, réduisant la solvabilité des ménages, ou encore la disparition progressive de la loi Pinel, un outil majeur d’incitation à l’investissement locatif, et enfin les normes environnementales renforcées, synonymes de surcoûts pour les promoteurs.
Un secteur stratégique sous perfusion – Le logement neuf, qui irrigue des milliers d’entreprises et d’emplois, reste en situation de blocage. Les professionnels alertent : sans impulsion gouvernementale, la crise pourrait devenir systémique — et durable.
👁️ L’œil de l’expert
La configuration actuelle ressemble à un piège macroéconomique : la demande est étouffée par les taux élevés, l’offre est freinée par les coûts et les normes, les permis s’effondrent, et les chantiers survivent grâce à des à-coups statistiques.
Si rien ne change, 2026 pourrait être l’une des pires années de production de logements neufs depuis deux décennies.
Les politiques publiques devront arbitrer entre ambitions réglementaires, soutien financier et urgence sociale liée au logement — un défi à la fois budgétaire, environnemental et économique.





