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Immobilier neuf : un sursaut fragile dans une crise structurelle

Chantier de construction de logements neufs
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Alors qu’un léger rebond des permis de construire a été observé en septembre (+2,8 % sur un mois), la crise du logement neuf reste d’une ampleur inédite. Les dernières données publiées par le ministère de la Ville et du Logement confirment une situation paradoxale : les autorisations de construire repartent timidement à la hausse, mais les mises en chantier continuent de s’effondrer, révélant un marché en panne de confiance et d’investissement. Entre inflation des coûts, hausse des taux d’intérêt et retrait progressif des aides publiques, la filière du neuf fait face à un cocktail explosif qui menace durablement l’offre résidentielle française.

📉 Permis en hausse, mais marché contracté

Les statistiques du Service des données et études statistiques (SDES) laissent entrevoir un sursaut technique, plus qu’un véritable retournement. En septembre, 33 745 logements ont été autorisés à la construction, dont 22 194 logements collectifs (+5,3 %) et 11 551 maisons individuelles (-1,6 %). Cette reprise s’explique principalement par la dynamique des résidences gérées — pour étudiants, seniors ou publics spécifiques — dont les permis ont bondi de 50 % sur un mois.
Mais ce rebond cache une tendance structurelle négative : sur douze mois glissants, les autorisations atteignent 372 731 logements, soit une baisse de près de 12 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années.

En clair, le niveau d’avant-crise est loin d’être retrouvé : à l’été 2022, le pays comptait encore plus de 530 000 autorisations sur un an. Les experts parlent d’un effet de rattrapage technique plutôt que d’une relance durable. D’autant que la collecte de données demeure fragile : le SDES reconnaît n’avoir obtenu que 44 % des retours sur les mises en chantier de septembre, ce qui rend les estimations « encore susceptibles d’ajustement ».

🧱 Une production freinée par les coûts et les taux

Si les permis remontent, les débuts de chantiers s’enlisent. En septembre, les mises en construction ont chuté de 8,9 % par rapport à août, effaçant les gains enregistrés depuis l’été. Sur un an, 272 238 logements auraient été effectivement lancés, soit une chute vertigineuse de 23 % en moyenne sur cinq ans.
Les professionnels du secteur dénoncent un contexte économique « asphyxiant » : la hausse continue des taux d’intérêt rend l’accession à la propriété presque inaccessible pour de nombreux ménages, tandis que les coûts de matériaux et d’énergie explosent. La disparition de dispositifs de soutien — comme certaines aides à l’investissement locatif — a fini d’assécher la demande et ralenti l’investissement privé.

Cette situation met en péril toute la chaîne de valeur du bâtiment. Les promoteurs peinent à financer leurs projets, les collectivités retardent leurs appels d’offres, et les artisans voient leur carnet de commandes fondre. Le déficit d’offre neuve, déjà criant, risque de se creuser davantage, alimentant à moyen terme la tension sur les loyers et le blocage du marché de l’ancien.

Le SDES note par ailleurs que la fiabilité des chiffres reste mouvante : ses révisions mensuelles corrigent systématiquement les estimations précédentes (en août, -1 045 logements autorisés et -3 572 chantiers ouverts). Cette instabilité statistique illustre la désorganisation administrative et le manque de visibilité du secteur.

👁️ L’œil de l’expert

Pour Pierre Madec, économiste à l’OFCE, « la crise du logement neuf est avant tout une crise du financement et de la confiance ». Il souligne que « le marché du neuf fonctionne à l’inverse du cycle économique : il s’écroule quand les taux montent et ne redémarre que très lentement après leur décrue ».
Selon lui, un véritable plan de relance de la construction passerait par un rééquilibrage fiscal et un soutien ciblé à la primo-accession, sans quoi la France risque d’entrer dans une décennie de sous-production immobilière.
Malgré les signaux positifs sur les permis de construire, le diagnostic demeure alarmant : le logement neuf reste l’un des maillons faibles de l’économie française, avec des répercussions directes sur la croissance, l’emploi et la cohésion territoriale.

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