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Photo du logo du DPE (Diagnostic de performance énergétique), objet de modifications
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DPE : Une réforme électrisante qui rebat les cartes de la performance énergétique

C’est un tournant stratégique pour le secteur de l’immobilier résidentiel et la rénovation énergétique en France. Le gouvernement vient d’annoncer une refonte du mode de calcul du DPE (Diagnostic de performance énergétique), qui pourrait faire sortir près de 850 000 logements de la catégorie des passoires thermiques. Le cœur de cette réforme ? Un nouveau regard, plus favorable, sur les logements chauffés à l’électricité. Derrière ce simple ajustement technique se cachent d'importantes répercussions économiques et politiques, à l'heure où la rénovation énergétique est au centre des politiques publiques.

⚡ Un recalibrage technique aux lourds impacts budgétaires

À partir de 2026, le coefficient de conversion de l’électricité — qui permet de traduire la consommation énergétique réelle sur les DPE — passera de 2,3 à 1,9. Autrement dit, un logement chauffé à l’électricité paraîtra désormais plus performant sur le papier, et sera donc mieux noté. Une correction « indispensable » selon Matignon, pour refléter « la réalité du mix énergétique français, largement décarboné grâce au nucléaire ».

En pratique, ce changement réduira mécaniquement le nombre de logements classés F ou G. De 5,8 millions, on passerait à environ 4,95 millions, soit une baisse de près de 15 %. Cette évolution aura des implications directes sur les aides à la rénovation, les obligations de travaux, ou encore les mises en location dans certaines zones. À terme, des milliers de propriétaires bailleurs pourraient se voir allégés de contraintes administratives et financières liées à la rénovation énergétique.

Mais l’impact ne s’arrête pas là. Nicolas Goldberg, spécialiste énergie chez Colombus Consulting, souligne que cette réforme vise à « corriger une injustice pénalisant les petites surfaces chauffées à l’électricité ». Beaucoup d’entre elles — souvent en milieu urbain — se retrouvaient classées F ou G à cause du mode de chauffage, alors que leur consommation réelle restait maîtrisée.

🚪 Un coup d’accélérateur… mais pas sans revers

Si le signal est fort pour l’électrification du parc immobilier français, certains effets secondaires interrogent. En relevant artificiellement la performance énergétique des logements électriques, cette réforme risque de freiner les projets de rénovation dans ces mêmes habitations. 

Cela peut décourager certains travaux d’isolation ou de remplacement de systèmes

prévient Nicolas Goldberg, qui alerte sur une possible hausse des factures pour les locataires, notamment dans les studios ou appartements de moins de 40 m².

Le gouvernement se veut rassurant. Selon Matignon, la réforme permettra de mieux cibler les aides publiques — comme MaPrimeRénov’ — vers les logements véritablement énergivores, c’est-à-dire ceux utilisant des énergies fossiles comme le gaz ou le fioul. D'ailleurs, une révision des critères d’attribution de ces aides est en cours pour accompagner cette évolution.

De son côté, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, applaudit une décision alignée avec la stratégie nationale :

C’est une victoire pour notre mix électrique décarboné à 95 %, grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables

a-t-elle déclaré. Un discours qui sonne aussi comme une volonté d’accélérer l’électrification du bâti résidentiel.

👁️ L’œil de l’expert

Cette réforme du DPE s’inscrit dans une stratégie d’arbitrage entre équité énergétique et efficacité budgétaire. Elle redistribue les cartes dans le paysage immobilier et redéfinit les priorités de rénovation à grande échelle. Si l’adaptation technique est indéniable, la vigilance reste de mise sur les effets d’aubaine qui pourraient retarder certaines rénovations nécessaires. C’est désormais aux collectivités locales, aux bailleurs et aux professionnels du bâtiment d’ajuster leurs pratiques pour suivre ce nouveau référentiel.

DPE

À propos de l'auteur

Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français