Permis de construire : une hausse en trompe-l'œil qui masque la crise du logement
Alors qu’un frémissement semble apparaître dans les chiffres de la construction, les professionnels du secteur tempèrent immédiatement l’enthousiasme. En avril, les permis de construire ont bondi de 12,5 % par rapport à mars, selon les données du ministère de l’Aménagement du territoire. Mais derrière cette embellie statistique, le mal-logement persiste, nourri par une crise profonde de la construction neuve. « Je ne vois pas d’amélioration », tranche Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), dans un entretien à l’AFP. Décryptage.
📈 Une hausse des permis… qui ne dit pas tout
Le mois d’avril a vu 34 500 logements autorisés à la construction, principalement portés par le secteur du logement collectif et des résidences, en hausse spectaculaire de 22,7 %. Dans le même temps, les permis de construire pour des maisons individuelles ont reculé de 5,1 %, confirmant un glissement du marché vers des programmes denses souvent destinés aux bailleurs sociaux.
Mais selon Pascal Boulanger, cette progression n’est qu’un effet de rattrapage :
Cette hausse est sans doute liée aux permis qu’on est en train de déposer pour ce qui a été vendu l’an dernier aux bailleurs sociaux.
En clair, ce ne sont pas de nouveaux projets initiés par une dynamique de marché, mais des suites mécaniques d’engagements antérieurs, parfois gelés depuis des mois.
Sur un an, le nombre total de permis déposés (341 800) reste en repli de 4,9 % par rapport aux douze mois précédents, et chute de 26 % par rapport à l’avant-Covid. En dépit du sursaut d’avril, le niveau général reste historiquement bas, confirmant l’enlisement du secteur.
🧱 Derrière les chiffres, la machine du logement neuf patine
Les mises en chantier, habituellement corrélées aux permis délivrés, confirment cette dynamique fragile. En avril, elles progressent de 3,3 % sur un mois (24 100 logements), mais sur douze mois glissants, elles plafonnent à 291 000, soit 25 % de moins que le niveau observé avant la crise sanitaire.
L’incertitude règne également sur ces données, précise le ministère, du fait de « perturbations persistantes des délais d’ouverture de chantier depuis le Covid ». Beaucoup d’autorisations peinent à se transformer en travaux concrets. Et pour cause : le secteur de la construction neuve fait face à une triple crise.
- Explosion des coûts de construction, qui grève la rentabilité des projets.
- Hausse des taux d’intérêt, freinant sévèrement l’accès au crédit immobilier.
- Fin des aides à l’investissement locatif, comme le dispositif Pinel, réduisant l’appétit des investisseurs.
Face à cette situation, le gouvernement a lancé en mars une aide pour les “maires bâtisseurs”, tentant ainsi d’encourager les communes à libérer du foncier constructible. Une mesure bienvenue, mais dont les effets réels ne seront mesurables que dans plusieurs trimestres.
👁 L’œil de l’expert : vigilance face aux illusions statistiques
Le rebond des permis d’avril est trompeur. Il reflète un décalage temporel, non une reprise du marché. Le déclin des maisons individuelles, la concentration sur le logement social et les retards de chantiers illustrent un secteur en suspension, encore loin du redémarrage structurel.
Les professionnels comme Pascal Boulanger appellent à une politique de relance plus ambitieuse, combinant soutien à la demande, à l’offre, et simplification administrative. Sans quoi, la pénurie de logements continuera de peser sur les ménages et d’amplifier les tensions immobilières dans les zones tendues. 🚨
À propos de l'auteur
Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français