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Photo de la porte d'entrée de l'institution financière Banque de France, à Paris
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Crédit immobilier : reprise technique ou simple sursaut ? Analyse d’un redémarrage fragile

Après plus d’un an de blocage dû à l’envolée des taux, le crédit immobilier semble vouloir sortir la tête de l’eau. Selon les données fraîchement publiées par la Banque de France, le mois de mars 2025 a enregistré une nette progression des nouveaux prêts accordés. Si les 12 milliards d’euros distribués en mars peuvent faire penser à une reprise robuste, les spécialistes restent prudents : entre prudence des établissements bancaires, coûts réels élevés et tensions persistantes sur le marché de l’immobilier, cette embellie reste encore très dépendante d’une conjoncture incertaine. Décryptage d’un regain de dynamisme encore sous surveillance.

📊 Des volumes en hausse, mais un coût du crédit toujours lourd

En mars 2025, la production de crédits immobiliers a atteint 12 milliards d’euros (hors renégociations), contre 10,8 milliards en février et 9,9 milliards en janvier. Si cette évolution confirme une tendance haussière sur le premier trimestre, elle mérite d’être relativisée. D'une part, ce niveau reste inférieur à celui des périodes fastes d’avant-crise : la production de crédits demeure inférieure de 25 % à la moyenne observée entre 2016 et 2019. D'autre part, cette progression reste fragile, car très dépendante d’une baisse marginale des taux.

Le taux moyen s’est établi à 3,20 % en mars, en recul par rapport aux 3,27 % de février. Mais cette baisse apparente ne reflète pas la réalité du coût total d’un prêt immobilier. En incluant les frais annexes (assurances, garanties, frais de dossier…), le taux effectif global pour un emprunt de 20 ans ou plus s’élève à 3,98 % au premier trimestre 2025. Ce différentiel est loin d’être anodin : « Pour un prêt de 100 000 euros sur 20 ans, le coût total s’élève à près de 45 000 euros », rappelle la Banque de France. En d’autres termes, le crédit reste cher, malgré une illusion de détente.

🏦 Banques prudentes, acheteurs attentistes

Si le nombre de prêts progresse, la demande, elle, ne suit pas nécessairement. Le blocage du marché immobilier est toujours alimenté par des prix qui tardent à s’ajuster à la baisse, rendant l’accession à la propriété toujours difficile. Les ménages restent frileux. D’après l’observatoire CSA/Crédit Logement, les intentions d’achat restent « affaiblies » par le contexte, tandis que les banques, échaudées par l’instabilité économique, font preuve d’une « vigilance accrue ».

La prudence des établissements prêteurs reste donc de mise. Les courtiers observent une certaine stabilité des barèmes en mai, après une légère hausse en avril. Le réseau Crédit Conseil de France confirme ce retour à l'équilibre :

Les données préliminaires de mai révèlent une stabilité des taux de crédit après les hausses observées en avril, avec quelques banques appliquant des réductions

Cependant, malgré ce regain d’activité, le nombre de crédits accordés reste loin des niveaux pré-Covid. En mars 2024, la production n’était que de 7 milliards d’euros, minée par des taux prohibitifs ; le niveau actuel revient au pic de décembre dernier (12,1 milliards), mais sans garantie de durabilité. Comme le souligne l’économiste Andreas Rees (UniCredit):

les fondamentaux du marché immobilier ne sont pas encore suffisamment solides pour soutenir une reprise durable.

👁️ L’œil de l’expert

Ce redémarrage du crédit immobilier ne peut être interprété comme une relance durable, mais plutôt comme une réaction à une amélioration ponctuelle des conditions d’accès au crédit. La baisse des taux, bien que réelle, reste marginale au regard du coût global du financement. L’absence de correction significative des prix de l’immobilier, combinée à la prudence persistante des banques, laisse planer une grande incertitude. Pour que le marché reparte durablement, il faudra un alignement de plusieurs facteurs : assouplissement du crédit, baisse des prix, et retour de la confiance des ménages. À ce stade, nous n’y sommes pas encore.

À propos de l'auteur

Conseiller financier chez FiniDeMePriver.com depuis près de 2 ans, Enzo Poulain met son expertise au service de ses clients en leur proposant des solutions sur mesure pour optimiser leur budget et simplifier la gestion de leurs finances. Doté d’un sens aigu du détail et d’un réel engagement pour le travail bien fait, Enzo partage également des astuces pratiques pour aider chacun à maintenir un budget équilibré et adapté à ses besoins.