La décision américaine d’imposer des droits de douane de 50 % sur une large partie des exportations indiennes marque un tournant décisif pour le commerce extérieur de New Delhi. Si les relations indo-américaines se sont renforcées au cours des dernières années, elles restent fragiles et exposées aux tensions politiques. Avec un marché américain représentant un débouché essentiel, l’Inde se retrouve contrainte de repenser sa stratégie commerciale et industrielle.
💥 Un choc aux répercussions massives
Le décret signé début août par Donald Trump a porté les tarifs douaniers de 25 % à 50 % sur les produits indiens. Une mesure motivée officiellement par les achats de pétrole russe par New Delhi, mais qui traduit surtout une montée des pressions politiques américaines.
Selon les estimations du gouvernement indien, 41,5 milliards d’euros d’exportations sont désormais fragilisés. Ajay Srivastava, ancien haut fonctionnaire du commerce, analyse la situation comme « un choc stratégique qui menace d’anéantir la présence de longue date de l’Inde aux États-Unis, en provoquant du chômage dans les centres tournés vers l’export et en affaiblissant son rôle dans la chaîne de valeur mondiale ».
🏭 Le cuir et les PME à l’export en 1ère ligne
Tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne. Washington a exempté temporairement l’industrie pharmaceutique et les produits électroniques, vitaux pour l’économie indienne. En revanche, l’habillement, le cuir ou encore le textile sont directement frappés.
Pour Puran Dawar, exportateur de chaussures basé à Agra et président régional du Conseil pour les exportations de cuir :
c’est un choc absolu
Un choc qui menace la survie d’entreprises dépendantes quasi exclusivement du marché américain. Les fédérations professionnelles redoutent une vague de faillites dans les PME exportatrices, qui constituent le socle de l’emploi industriel en Inde.
❌ Une négociation dans l’impasse
Ces tensions surviennent alors que cinq cycles de négociations bilatérales entre New Delhi et Washington ont déjà échoué. Le blocage porte principalement sur l’agriculture et le secteur laitier, que l’Inde refuse d’ouvrir aux importations américaines à bas prix, craignant des destructions massives d’emplois.
Lors d’un rassemblement dans le Gujarat, le Premier ministre Narendra Modi a déclaré :
Les intérêts des agriculteurs, des petites entreprises et des entreprises laitières sont primordiaux. Mon gouvernement veillera à ce qu’ils ne soient pas affectés.
Cette fermeté reflète une ligne rouge politique autant qu’économique, dans un contexte de montée du protectionnisme mondial.
🌍 La réponse indienne en élaboration
Face au choc, New Delhi prépare des mesures pour stimuler la demande intérieure et réduire sa dépendance aux États-Unis. Le gouvernement envisage de baisser certaines taxes à la consommation (automobile, électroménager, assurances) afin de soutenir la consommation lors des fêtes de Diwali. Des facilités de crédit bancaire pour les exportateurs sont également à l’étude.
Sur le plan international, l’Inde cherche à ouvrir de nouveaux marchés en Amérique latine, en Afrique et en Asie du Sud-Est, tout en accélérant ses discussions avec l’Union européenne. Cette stratégie de diversification s’inscrit dans une vision de long terme visant à repositionner l’Inde dans la géographie mondiale des échanges.
👁 L’œil de l’expert : diversifier !
La décision américaine illustre le retour en force des politiques protectionnistes et met en évidence la vulnérabilité structurelle du modèle indien, encore trop dépendant de quelques débouchés. Si l’Inde parvient à convertir cette crise en opportunité en diversifiant ses marchés et en renforçant sa demande domestique, elle pourra atténuer le choc. Mais à court terme, le coût économique et social s’annonce lourd, en particulier pour les PME exportatrices et les bassins industriels dépendants des États-Unis.