Emmanuel Macron s’apprête à nommer un nouveau Premier ministre, le cinquième depuis 2022 et le troisième en un peu plus d’un an. Cette valse incessante à Matignon, après les échecs successifs de Michel Barnier et François Bayrou, illustre une incapacité chronique à stabiliser la vie politique. Mais au-delà de la dimension institutionnelle, c’est toute l’économie française qui paie la facture. Baisse de confiance, recul de l’investissement, envolée du coût de la dette : la crise politique s’installe dans les comptes du pays.
📉 Une croissance en panne, freinée par l’incertitude
L’instabilité gouvernementale agit comme un véritable poison pour l’économie.
Depuis la dissolution, on vit dans un climat d’incertitude nationale historique
explique Mathieu Plane, économiste à l’OFCE, cité par BFM Business. Ce brouillard politique coûte cher : 0,1 point de PIB en 2024 et 0,3 point en 2025, soit environ 12 milliards d’euros de manque à gagner.
La croissance, déjà faible, s’essouffle : +1,4 % en 2023, +1,2 % en 2024 et seulement +0,6 % attendu en 2025. Les ménages surépargnent (18,9 % du revenu disponible au deuxième trimestre 2025, un record depuis 1979 hors Covid), tandis que la consommation, moteur représentant plus de 50 % du PIB, s’essouffle.
Du côté des entreprises, le climat des affaires reste en berne (indice à 96 contre une moyenne de 100), et l’investissement a chuté de 1,1 % en 2024.
Il y a des gels, des reports de projets et un frein sur les embauches
ajoute Mathieu Plane. À l’extérieur, la France subit de plein fouet le retour du protectionnisme américain impulsé par Donald Trump.
🚨 Finances publiques : un poids qui s’alourdit
Si la croissance reste molle, la trajectoire budgétaire vire au rouge vif. Le déficit public atteignait 5,8 % du PIB en 2024 et la dette culminait à 113,9 % du PIB, soit 3 345 milliards d’euros. Conséquence directe de l’instabilité politique : les investisseurs exigent une prime de risque accrue pour financer l’Hexagone.
Les taux d’emprunt français sont passés de 3,114 % en juin 2024 à 3,413 % en septembre 2025 sur la maturité à 10 ans (frôlant ponctuellement 3,60%), tandis que le 30 ans a dépassé 4,5 %, un sommet depuis 2009. La charge de la dette explose : 67 milliards d’euros en 2025, 75 milliards attendus en 2026 et 85 milliards en 2027. François Bayrou a même parlé d’un « pronostic vital engagé » pour la France, une formule alarmiste mais révélatrice de l’inquiétude croissante.
🏛️ Un risque politique devenu économique
Au-delà des chiffres, c’est l’absence de stratégie politique qui inquiète.
Tant qu’on n’a pas résolu la crise politique, on ne va pas résoudre le problème budgétaire
insiste Mathieu Plane. Si les blocages institutionnels persistent, avec de nouveaux budgets rejetés ou une énième dissolution, le spectre d’une panique des marchés n’est plus exclu.
Christopher Dembik, conseiller en stratégie chez Pictet AM, résume la situation :
Tous les moteurs de la croissance sont en panne : la consommation est nulle, l’investissement recule, les salaires stagnent et le commerce extérieur souffre du regain de protectionnisme.
Une dégradation de la note souveraine par Fitch pourrait intervenir dès la fin de semaine, renforçant encore la pression financière sur l’État français.
👁️ L’œil de l’expert : le cercle vicieux
La France se retrouve piégée dans un cercle vicieux : une politique instable qui freine l’économie, une économie affaiblie qui dégrade les finances publiques, et des finances publiques qui accentuent la défiance des investisseurs. La nomination du prochain Premier ministre sera donc scrutée bien au-delà des frontières politiques : elle conditionnera la crédibilité économique de la France sur les marchés internationaux.