Quelques heures après l’annonce surprise de la démission du Premier ministre Sébastien Lecornu, les marchés financiers français ont vacillé, illustrant à quel point l’instabilité politique peut se transformer en choc économique immédiat. Entre un CAC 40 en repli brutal et une dette souveraine sous tension, l’onde de choc dépasse le seul cadre institutionnel pour menacer la crédibilité financière de la France.
📉 La Bourse décroche, la confiance s’effondre
Dès l’ouverture ce lundi matin, la réaction des marchés a été aussi rapide que violente. Le CAC 40 a chuté de 2 %, repassant sous le seuil symbolique des 8 000 points. Les valeurs bancaires et industrielles ont été les premières touchées : BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole ou encore Thalès ont perdu jusqu’à 5 %.
Pour les investisseurs, le message est clair : la démission du chef du gouvernement plonge la politique économique française dans une zone de brouillard.
Les marchés redoutent un effet domino sur la trajectoire budgétaire du pays. L’incertitude politique crée une prime de risque immédiate sur les actifs français.
analyse Antoine Andreani, expert marchés chez XTB France.
En d’autres termes, les acteurs financiers anticipent une période d’instabilité où les réformes pourraient être retardées, voire suspendues, tandis que la cohérence budgétaire promise par l’exécutif semble compromise.
Cette chute brutale illustre la fragilité d’un marché fortement dépendant de la stabilité institutionnelle, où chaque événement politique majeur agit comme un révélateur des inquiétudes sous-jacentes sur la dette et la croissance.
💣 La dette française sous tension maximale
Plus inquiétant encore pour les économistes : les taux d’emprunt de la France se sont envolés. L’OAT à 10 ans (obligation assimilable du Trésor) a bondi à 3,59 %, un plus haut depuis plus de dix ans. Cette poussée place désormais la France au même niveau que l’Italie, alors que Rome était historiquement perçue comme un emprunteur bien plus risqué.
« Si le seuil des 3,60 % venait à être franchi, la dette française pourrait devenir la cible d’attaques spéculatives », avertit Antoine Andreani, pointant le risque d’un emballement du marché obligataire.
Le spread – c’est-à-dire l’écart de taux entre la France et l’Allemagne – a grimpé de 2 % pour atteindre son niveau le plus haut depuis janvier. Cet indicateur est scruté par les investisseurs car il mesure la confiance relative dans la signature française.
Selon Jack Ellen-Reynolds, économiste chez Capital Economics, le danger est réel :
Avec un déficit public supérieur à 5 % du PIB et un endettement en progression, la prime de risque sur les obligations françaises va continuer à s’élargir.
En clair, plus les taux montent, plus le financement de l’État devient coûteux — un cercle vicieux susceptible d’alourdir encore le fardeau de la dette. Ce scénario pourrait pousser les agences de notation à revoir leur jugement sur la qualité du crédit français, accentuant encore la spirale de méfiance.
👁️ L’œil de l’expert : la politique comme risque de marché
La démission de Sébastien Lecornu agit comme un détonateur sur une poudrière économique préexistante. Elle révèle la vulnérabilité d’un pays dont le niveau d’endettement dépasse désormais 110 % du PIB et dont la trajectoire budgétaire repose sur des hypothèses de croissance fragiles.
Les marchés financiers, eux, envoient un signal sans équivoque : la confiance se paie cher, et elle se perd vite. Si l’Élysée ne parvient pas à restaurer rapidement la stabilité politique et à rassurer les investisseurs, la France pourrait voir sa dette se financer à des taux durablement plus élevés, fragilisant son modèle économique et budgétaire.