La France pourrait voir sa note de crédit rabaissée dès ce vendredi par l’agence Fitch, qui ouvre le bal des revues d’automne. Classée aujourd’hui AA- avec perspective négative, la dette française est toujours considérée de “haute qualité”, mais une dégradation en catégorie A la rapprocherait d’une notation “moyenne supérieure”. Derrière ce glissement se joue une réalité lourde de conséquences : la hausse du coût d’emprunt pour l’État et, par ricochet, pour l’ensemble de l’économie.
📉 Dette et déficit : une équation intenable
Avec un déficit public à 5,8 % du PIB en 2024 et une dette représentant 113 % du PIB, la France s’éloigne clairement des standards européens. Comme le souligne Éric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG, une dégradation serait “logique” car Paris n’a pas mis en place “un plan crédible d’assainissement budgétaire”.
Cette situation traduit une perte de crédibilité par rapport à ses voisins. En effet, rappelle Eric Dor, 17 pays européens affichent de meilleurs ratios de finances publiques tout en étant notés en dessous de la France. Une anomalie que Fitch pourrait bientôt corriger.
Les conséquences sont déjà tangibles sur les marchés. Mardi, le taux de la dette française a brièvement dépassé celui de l’Italie, pourtant souvent perçue comme plus fragile. Comme l’explique Anthony Morlet-Lavidalie (Rexecode) :
Les marchés donnent déjà à la France une notation implicite plus basse que son AA- officiel.
Ce décalage pourrait enclencher un cycle où la dette française resterait durablement plus chère à financer, grignotant une part croissante du budget de l’État.
🔎 Un contexte politico-financier sous tension
Sur le plan politique, la crise institutionnelle accentue l’incertitude. Le remplacement express de François Bayrou par Sébastien Lecornu à Matignon a certes ravivé l’espoir d’un budget 2026 voté dans les temps. Mais comme le rappelle Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, il est “plausible” que Fitch attende “davantage de visibilité politique” avant de trancher.
Les chiffres économiques ne sont pas tous négatifs : l’Insee a revu la croissance 2025 légèrement à la hausse, à 0,8 %, preuve d’une certaine résilience. De même, Hadrien Camatte (Natixis) souligne la solidité de l’épargne des ménages et la bonne santé des entreprises françaises, deux éléments qui limitent les risques systémiques.
Cependant, le calendrier est implacable. La décision de Fitch n’est qu’une première étape avant la revue cruciale de S&P Global, le 28 novembre. Selon Morlet-Lavidalie, cette dernière “abaissera très probablement la note française”, car la trajectoire de déficit ne permet pas d’atteindre les 4,6 % espérés l’an prochain.
👁️ L’œil de l’expert : un jeu dangereux
La France vit aujourd’hui avec un “syndrome du mauvais élève”, pour reprendre l’expression d’Anthony Morlet-Lavidalie. Après avoir perdu son AAA en 2012, elle s’accommode désormais d’un AA- qu’elle juge encore honorable. Mais chaque cran perdu augmente mécaniquement le coût de sa dette, fragilisant sa marge budgétaire au moment où les besoins publics sont immenses (transition énergétique, défense, santé).
Si la note tombait en catégorie A, la dette resterait “de bonne qualité”, comme le rappelle Camatte. Mais dans une zone euro où l’Allemagne conserve son AAA, la France ne peut se permettre de banaliser son déclassement. Car au-delà des symboles, c’est la soutenabilité de ses finances publiques qui est en jeu – et la confiance des investisseurs, déjà ébranlée, pourrait s’effriter davantage.