Le dernier baromètre publié par le Groupe BPCE met en évidence une fracture générationnelle frappante dans la consommation alimentaire et vestimentaire des Français. Alors que les moins de 35 ans adaptent leurs habitudes sous contrainte budgétaire, les plus de 55 ans affichent une stabilité, voire une hausse de leurs dépenses. Entre arbitrages millimétrés des jeunes et confort financier des aînés, ce contraste souligne l’impact direct de l’inflation et de la redistribution générationnelle sur le pouvoir d’achat.
💳 Les jeunes contraints à l’optimisation budgétaire
L’étude, fondée sur l’analyse de 20 millions de paiements par carte bancaire, révèle que le panier alimentaire moyen des moins de 35 ans a chuté de 28 à 22 € en quatre ans, soit une baisse de près de 21 %. Dans le même temps, celui des seniors est resté stable à 41 €, soit quasiment le double.
Pour BPCE, cette génération est « la plus exposée aux effets durables du pic inflationniste ». Comme l’explique l’étude : « Le fait que le panier diminue ne traduit pas une consommation en chute libre, mais un ajustement minutieux des comportements ». En pratique, les jeunes fréquentent plus souvent les supermarchés (+8 % de visites) mais dépensent moins à chaque passage, afin de limiter le gaspillage et profiter des promotions.
Côté restauration, les -35 ans reprennent légèrement le chemin des restaurants (+1 % de dépenses au premier semestre 2025), mais de manière mesurée. Pour compenser la pression sur leur budget global, ils réorientent aussi leurs achats vestimentaires : -14 % dans le prêt-à-porter traditionnel et -21 % en fréquence d’achat, au profit de la fast-fashion et surtout de la seconde main, qui progresse encore de +6 %.
👴 Seniors : une consommation résiliente et en croissance
À l’opposé, les plus de 55 ans apparaissent comme les grands gagnants de la conjoncture actuelle. Leur consommation, loin de reculer, a progressé de +3,3 % en un an. Non seulement leur panier alimentaire reste stable à 41 €, mais leurs dépenses au restaurant atteignent également 40 € en moyenne.
Ce confort budgétaire se reflète aussi dans les autres postes de consommation. La mode dite « alternative », longtemps apanage des jeunes, séduit désormais les seniors. Entre 2021 et 2024, la fast-fashion a bondi de +12,6 % et la seconde main de +25,6 % chez les plus de 55 ans. Un basculement culturel, largement influencé par les pratiques de leurs enfants et petits-enfants : « Les jeunes sont des prescripteurs, ils imposent des tendances qui finissent par s’ancrer dans toutes les générations », observe le rapport du Groupe BPCE.
Ainsi, si les jeunes représentent encore 46 % des dépenses en fast-fashion, leur domination s’effrite (contre 52 % en 2021), preuve que les aînés adoptent rapidement leurs codes de consommation.
👁️ L’œil de l’expert
Ce baromètre illustre un paradoxe économique majeur : les jeunes, malgré une créativité dans la gestion de leur budget, subissent de plein fouet l’inflation et la stagnation des revenus d’entrée dans la vie active. À l’inverse, les seniors, soutenus par des pensions plus stables et un patrimoine accumulé, maintiennent une consommation soutenue, y compris dans des secteurs naguère considérés comme « jeunes » (seconde main, fast-fashion).
À long terme, cette fracture générationnelle pourrait redessiner la structure du marché français. Si les seniors deviennent les moteurs de la consommation classique, les jeunes, en pionniers de nouveaux modes d’achat, continueront à dicter les tendances. Mais tant que l’écart de pouvoir d’achat persiste, l’économie française devra composer avec cette double dynamique : arbitrage contraint des uns, confort de consommation des autres.





