Une réforme censée libérer les assurés, mais une inertie bien ancrée. Dix ans après l’entrée en vigueur de la loi Hamon (2015), censée simplifier la résiliation des contrats d’assurance auto et stimuler la concurrence, le bilan reste mitigé.
Alors que les tarifs d’assurance ont bondi de 5 % en moyenne en 2025, la grande majorité des conducteurs français continuent de rester fidèles à leur compagnie, quitte à payer plus cher. Selon une enquête OpinionWay pour LeLynx.fr, 57 % des automobilistes n’ont pas changé d’assureur depuis dix ans, et un tiers ne l’ont jamais fait.
Un paradoxe pour une mesure pourtant conçue pour fluidifier le marché : possibilité de résiliation à tout moment après un an, démarches simplifiées, et prise en charge du changement par le nouvel assureur. Pourtant, la promesse de dynamiser la concurrence reste, en grande partie, lettre morte.
📊 Seniors et jeunes : deux stratégies
La fidélité des Français à leur assureur semble d’autant plus solide qu’elle augmente avec l’âge. Parmi les 50-64 ans, 31 % n’ont jamais changé de contrat, un chiffre qui grimpe à 36 % chez les plus de 65 ans. Pour beaucoup, cette constance dépasse la simple rationalité économique : c’est un rapport de confiance, presque affectif, qui s’est installé au fil du temps.
Les Français perçoivent souvent leur assureur comme un partenaire de long terme, même si la fidélité n’est pas toujours synonyme d’économie
analyse un porte-parole de LeLynx.fr. Pourtant, les écarts de prix sont loin d’être négligeables. Les comparaisons réalisées en ligne révèlent qu’un changement d’assureur peut générer jusqu’à 438 € d’économies par an. Une somme d’autant plus significative que l’inflation et la hausse du coût de la vie pèsent sur les budgets des ménages.
À l’opposé, les jeunes conducteurs se montrent plus mobiles. Leur prime médiane atteint 1 204 € par an, soit le double de celle des conducteurs expérimentés (606 €). Logiquement, 57 % des moins de 35 ans ont déjà changé d’assureur au cours des six dernières années, cherchant à alléger une facture qu’ils jugent souvent disproportionnée.
Mais cette flexibilité a un prix : 21 % des jeunes acceptent de réduire certaines garanties pour faire baisser leur cotisation, contre seulement 10 % chez les seniors.
⚙️ Changer, oui… mais encore faut-il passer à l’action
Sur le papier, 85 % des Français jugent le changement d’assurance facile. Dans la réalité, la majorité n’en tire aucun bénéfice concret.
Près de 41 % des conducteurs considèrent qu’un changement d’assureur n’aurait aucun intérêt économique, une perception déconnectée des comparatifs tarifaires.
Les freins restent nombreux : manque de temps (50 % des moins de 25 ans), peur d’une perte de couverture (42 %) ou impression de démarches lourdes (37 %).
L’aspect psychologique joue aussi un rôle. Malgré la simplification administrative introduite par la loi Hamon, la peur de “mal faire” ou de rompre une relation de confiance reste vivace.
Pourtant, le remboursement automatique au prorata des mois non utilisés, en cas de paiement annuel, limite aujourd’hui tout risque financier lors du changement.
👁️ L’œil de l’expert : la culture de la fidélité
Derrière l’immobilisme apparent, se cache un enjeu économique majeur. Le marché français de l’assurance auto, estimé à plus de 20 milliards d’euros annuels, souffre d’un manque de fluidité concurrentielle.
Les assureurs profitent de la faible rotation de clientèle pour lisser les hausses de prix, tandis que les assurés, souvent peu informés, absorbent ces hausses sans réagir.
Pour les experts du secteur, la clé réside désormais dans la pédagogie et la transparence tarifaire. Comparateurs, applications mobiles et IA générative devraient accélérer la mobilité des assurés dans les années à venir.
Mais à court terme, la culture française de la fidélité, mêlée à une certaine résistance au changement, continue de brider un marché qui pourrait pourtant gagner en efficacité et en équité.