L’annonce était très attendue par les marchés : l’Opep+ a choisi la prudence. L’alliance menée par l’Arabie saoudite et la Russie a décidé, lors d’une réunion virtuelle dimanche, d’augmenter légèrement sa production de pétrole pour novembre, confirmant sa stratégie de reconquête progressive des parts de marché tout en préservant l’équilibre fragile des prix du brut.
⚖️ Un ajustement pour préserver les prix
Dans un communiqué officiel, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a annoncé que huit membres de l’Opep+ – dont Ryad, Moscou, Abou Dhabi, Bagdad ou encore Alger – ont convenu d’un ajustement de +137.000 barils par jour en novembre, par rapport à octobre.
Un chiffre bien inférieur aux rumeurs de 500.000 barils évoquées par plusieurs analystes.
Les membres du groupe ont agi avec prudence après avoir observé la nervosité du marché
souligne Jorge Leon, analyste chez Rystad Energy, dans un entretien à l’AFP. Cette décision illustre la volonté de calmer les esprits tout en poursuivant une politique offensive de récupération des parts de marché abandonnées lors des périodes de restrictions. Depuis avril, le cartel a relevé sa production cumulée de plus de 2,5 millions de barils par jour, un rythme inédit depuis plusieurs années.
Pour autant, ce réajustement intervient dans un contexte de fragilité de la demande mondiale. D’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la consommation d’or noir devrait n’augmenter que de 700.000 barils par jour en 2025 et 2026, un niveau bien inférieur à la hausse de l’offre actuelle. Le marché fait donc face à un risque de surproduction, ce qui pourrait prolonger la baisse des cours observée ces dernières semaines : le Brent est retombé sous les 65 dollars, en recul de 8 % sur une semaine.
L’Opep+ évolue sur une corde raide entre stabilité des prix et conquête des marchés
résume Jorge Leon, rappelant que chaque décision du cartel influence directement la rentabilité budgétaire de ses membres.
💰 Russie : un équilibre précaire
Pour la Russie, deuxième producteur du groupe, cette hausse maîtrisée de 137.000 barils par jour constitue un compromis acceptable.
Une augmentation trois ou quatre fois supérieure aurait été intenable pour Moscou
estime Jorge Leon, soulignant que la cohésion de l’Opep+ aurait été menacée par une décision plus agressive. La Russie, qui extrait actuellement 9,25 millions de barils par jour, reste fortement dépendante des revenus pétroliers pour financer son effort de guerre en Ukraine. D’après Homayoun Falakshahi de Kpler, sa capacité maximale ne dépasse plus 9,45 millions de barils par jour, contre 10 millions avant le conflit, en raison des sanctions occidentales et des frappes ukrainiennes ciblant ses infrastructures de raffinage.
Les bombardements sur les raffineries russes ont contraint Moscou à exporter davantage de brut non raffiné, faute de pouvoir le transformer localement
explique Arne Lohmann Rasmussen, analyste chez Global Risk Management. Cette dépendance accrue à l’exportation fragilise le Kremlin, dont les marges de manœuvre s’amenuisent. À l’inverse, l’Arabie saoudite, disposant d’une capacité de production bien supérieure, cherche à reprendre le contrôle du marché mondial, quitte à exercer une pression implicite sur les cours pour pénaliser les producteurs concurrents – notamment les États-Unis, le Brésil ou le Canada, dont la production atteint des sommets historiques.
👁️ L’œil de l’expert : un équilibre instable
Cette nouvelle orientation de l’Opep+ confirme une stratégie à double tranchant : maintenir la pression sur les concurrents non membres tout en évitant de provoquer un effondrement des prix. La marge de manœuvre du cartel est désormais réduite par la stagnation de la demande mondiale et la montée en puissance des producteurs américains.
Le risque d’un retour d’une guerre des prix n’est pas écarté. Si le baril de Brent venait à passer durablement sous les 60 dollars, plusieurs économies pétrolières – Russie en tête – pourraient être contraintes de revoir leurs budgets et d’intensifier leurs exportations pour compenser les pertes.