Un an seulement après avoir été sauvée par trois repreneurs, dont la marque de prêt-à-porter Mes Demoiselles Paris, la maison Minelli est de nouveau en difficulté. Placée en procédure de sauvegarde en septembre 2025, l’enseigne historique du soulier féminin, fondée en 1973, illustre la fragilité persistante du secteur de la mode en France. Derrière l’image glamour de ses collections, c’est un modèle économique sous pression, confronté à des pertes financières lourdes et à une concurrence internationale féroce.
🚨 Situation critique malgré la reprise
Selon la décision du tribunal des activités économiques de Paris, Maison Minelli, l’entité créée en 2024 après le rachat, a clôturé son premier exercice en février 2025 sur une perte nette de 4,2 millions d’euros pour 22 millions d’euros de ventes. Le jugement précise que ce chiffre d’affaires est inférieur de 7 millions d’euros aux prévisions initiales.
Plusieurs points de vente repris se révèlent déficitaires, ce qui a plombé les comptes. L’effectif a déjà été réduit de manière drastique : de 600 salariés avant la crise, la marque est passée à 171 employés aujourd’hui. Le dirigeant parie désormais sur une stratégie double : fermeture des boutiques non rentables et montée en gamme de l’offre.
Le tribunal a ouvert une période d’observation jusqu’au 1er mars 2026, au terme de laquelle un plan de sauvegarde pourra éventuellement être adopté. Contrairement au redressement judiciaire, la procédure de sauvegarde vise à protéger une entreprise avant qu’elle ne se retrouve en cessation de paiements, en donnant un délai pour redresser la barre.
👠 Mode française en péril
La situation de Minelli n’est pas un cas isolé. Depuis un an et demi, plusieurs enseignes d’accessoires et de prêt-à-porter ont été contraintes de passer par le redressement judiciaire ou des procédures de sauvegarde : Claire’s, Jennyfer, Camaïeu, Burton of London, Gap France ou encore André.
Ces faillites en série traduisent une tendance lourde : la difficulté des acteurs historiques à résister à la pression des plateformes asiatiques à bas prix comme Shein, qui captent une clientèle jeune et connectée, très sensible aux prix.
Comme le rappelle le tribunal dans son jugement, les « rustines » du plan de reprise n’ont pas suffi à redresser durablement Minelli, dont « une dizaine de boutiques reprises s’avèrent déficitaires ». L’échec partiel de cette stratégie met en lumière les limites des sauvetages ponctuels dans un marché structurellement fragilisé.
👁️ L’œil de l’expert
La mise en procédure de sauvegarde de Minelli illustre un paradoxe : les marques patrimoniales françaises restent attractives mais leur modèle économique est profondément ébranlé. La montée en gamme envisagée par la direction est un pari risqué mais peut constituer une voie de différenciation face aux géants du discount digital.
À moyen terme, seule une réinvention profonde de la chaîne de valeur – distribution, digitalisation, positionnement produit – permettra à Minelli de survivre dans un marché où la concurrence mondiale et la pression sur les prix dictent la loi. Sans transformation rapide, l’enseigne pourrait rejoindre la longue liste des icônes de la mode française tombées ces dernières années.