Les délais pour obtenir une place à l’examen du permis de conduire atteignent des niveaux inédits, parfois jusqu’à six mois en Île-de-France. Une situation qui alourdit la facture pour les candidats et provoque la colère des auto-écoles comme des inspecteurs. Ce lundi, tous deux ont décidé d’unir leurs forces à travers une grève nationale et des opérations escargots, notamment autour de Paris. Derrière cette mobilisation, c’est tout un modèle économique qui vacille.
⏳ Délais explosifs et coûts en cascade
Les retards pour décrocher une date d’examen, qui s’élèvent désormais à trois mois en moyenne dans certains départements, fragilisent directement les finances des candidats. Chaque attente supplémentaire signifie des heures de conduite additionnelles, et donc une hausse du prix global du permis, déjà l’un des plus chers d’Europe.
Cela fait deux ans qu’on alerte sur des manques de places. Tout est en train de déborder dans tous les départements. Aujourd’hui dans le Var, alors qu’on était jusque-là très bien lotis, on a un délai moyen de 90 jours… et en Île-de-France, c’est six mois d’attente.
explique Patrice Bessone, directeur d’auto-école à Toulon et représentant du secteur au sein de Mobilians. Ce blocage est accentué depuis janvier 2024 par l’ouverture du permis aux candidats de 17 ans, ce qui a mécaniquement accru le volume de demandes. Résultat : les familles voient leur budget alourdi, avec un taux de réussite plafonné à 55 %, obligeant souvent les jeunes à financer plusieurs tentatives.
💼 Recrutements bloqués et bras de fer budgétaire
Face à cette impasse, les auto-écoles réclament le recrutement de 150 inspecteurs supplémentaires pour fluidifier l’accès à l’examen. Mais la mesure est suspendue au vote d’un futur projet de loi de finances, freinant toute avancée immédiate. En attendant, syndicats et fédérations intensifient leur lobbying auprès de Bercy et des parlementaires.
Autre revendication : augmenter le volume d’heures obligatoires de conduite de 20 à 28 heures, afin d’améliorer la préparation des candidats et de réduire le nombre d’échecs. Une réforme qui aurait un double effet : renforcer la sécurité routière mais aussi accroître mécaniquement le chiffre d’affaires des auto-écoles, un secteur déjà fragilisé par la concurrence des plateformes numériques de conduite.
Pour les inspecteurs, réunis derrière le Snica-FO, l’enjeu dépasse la seule logistique. Ils dénoncent une surcharge de travail et l’absence de moyens humains adaptés à l’ampleur des demandes, pointant un désengagement progressif de l’État dans un service public pourtant essentiel à l’insertion professionnelle des jeunes.
👁 Œil de l’expert
L’allongement des délais pour passer le permis met en lumière un goulot d’étranglement structurel : la demande explose tandis que l’offre d’examinateurs reste rigide. Pour les familles, l’impact financier est considérable, car le coût moyen du permis en France dépasse déjà les 1 800 €. À l’échelle macroéconomique, ces blocages freinent aussi l’accès à l’emploi pour de nombreux jeunes, notamment en zones rurales où la voiture reste indispensable.
Si l’État ne débloque pas rapidement de nouveaux moyens humains et budgétaires, le risque est double : un renforcement des inégalités sociales d’accès au permis et un climat de tension durable entre les acteurs du secteur, déjà sous pression.