Le groupe tricolore Pernod Ricard, deuxième acteur mondial des vins et spiritueux derrière Diageo, traverse une zone de turbulence. Son chiffre d’affaires a reculé de 14,3 % au premier trimestre 2025/2026, un repli attribué à la contraction de la demande en Chine et à des ajustements de stocks aux États-Unis, son premier marché. Si la direction évoque une « année de transition », elle mise sur un rebond progressif dès le second semestre, soutenu par une politique d’efficacité opérationnelle et des investissements marketing massifs. Mais dans un contexte de tensions commerciales accrues et de ralentissement mondial de la consommation premium, la trajectoire reste incertaine.
🇨🇳 Chine et États-Unis : deux moteurs à l’arrêt
Entre juillet et septembre 2025, Pernod Ricard a enregistré 2,38 milliards d’euros de chiffre d’affaires, en baisse de 7,6 % en organique, selon le communiqué publié le 16 octobre. La Chine — autrefois locomotive du groupe sur les spiritueux premium — affiche une chute vertigineuse de 27 %, dans un climat économique dégradé et une consommation prudente avant le Nouvel An chinois.
Le contexte macroéconomique reste difficile
a reconnu la direction du groupe, tout en affirmant « rester prudente quant à la demande consommateur.
Côté États-Unis, la situation n’est guère meilleure : les ventes ont décroché de 16 %, impactées par une correction des stocks dans les circuits de distribution. Les taxes douanières de 15 % imposées par l’administration Trump sur les vins et spiritueux européens depuis août aggravent encore la pression sur les marges. Pourtant, un point positif subsiste : la bonne tenue de la demande finale chez les consommateurs américains, signe que le marché pourrait redémarrer dès 2026.
Cette double fragilisation sino-américaine a lourdement pesé sur le groupe, qui doit désormais composer avec une hausse des coûts logistiques, un euro fort et des effets de change défavorables. Résultat : le recul de 14,3 % du chiffre d’affaires global apparaît comme le symptôme d’un ajustement plus large, celui d’un marché mondial des spiritueux en train de se normaliser après des années d’euphorie post-Covid.
📉 Réorganisation et discipline financière
Conscient du tournant, Alexandre Ricard, PDG du groupe, mise sur la résilience financière et un plan d’optimisation ambitieux. Entre 2025/26 et 2028/29, Pernod Ricard prévoit 1 milliard d’euros d’économies grâce à des « mesures d’efficacité » et à une réorganisation déjà engagée depuis juin. L’objectif : stabiliser la marge opérationnelle, protéger le cash-flow et maintenir le cap des investissements marketing sur ses marques phares (Absolut, Jameson, Chivas Regal, Martell…).
La direction se montre confiante : à moyen terme (2026/27–2028/29), elle vise une croissance organique du chiffre d’affaires comprise entre 3 % et 6 %, soutenue par la diversification géographique du groupe et par le dynamisme des marchés émergents.
Nous restons concentrés sur la création de valeur durable, tout en adaptant notre modèle à un environnement en mutation rapide
souligne le groupe dans son communiqué. Cette stratégie prudente mais volontariste s’inscrit dans une logique de gestion contracyclique, typique des grands acteurs de la consommation mondiale : réduire les coûts tout en maintenant le capital-marque pour préparer le prochain cycle de croissance.
👁️ L’œil de l’expert : un signal d’alerte
L’exercice 2025/26 s’apparente à une année pivot pour Pernod Ricard. Le groupe fait face à un choc conjoncturel à double détente : le ralentissement chinois (lié à la désaffection pour les produits premium importés) et le durcissement du commerce transatlantique. Ces vents contraires mettent en lumière la vulnérabilité d’un modèle encore très dépendant de quelques grands marchés.
Mais au-delà du cas Pernod Ricard, c’est tout le secteur des vins et spiritueux européens qui se trouve sous pression : concurrence asiatique accrue, arbitrage des consommateurs vers des gammes plus accessibles et coûts de financement en hausse.
À moyen terme, la clé de la reprise résidera dans la capacité du groupe à capter la croissance dans les marchés émergents, à digitaliser ses canaux de distribution et à contenir ses charges dans un environnement de taux encore incertain.
S’il parvient à maintenir sa puissance marketing tout en regagnant de la rentabilité, Pernod Ricard pourrait ressortir renforcé de cette phase de turbulences.