Symbole du savoir-faire hexagonal depuis plus d’un siècle, Petit Bateau, né à Troyes en 1920, va quitter l’escarcelle du groupe Rocher pour rejoindre la holding d’investissement américaine Regent. Cette opération marque une étape clé dans la recomposition du secteur textile, entre héritage patrimonial et enjeux financiers mondiaux. Derrière ce rachat se cache une double logique : recentrage stratégique de Rocher sur la cosmétique et pari des investisseurs américains sur la valeur durable des marques historiques.
🎯 Un repositionnement stratégique
En janvier dernier, le groupe Rocher avait annoncé vouloir céder ses pôles non stratégiques, dont Petit Bateau et Stanhome, afin de concentrer ses ressources sur son cœur de métier, la cosmétique. L’annonce officielle du 4 septembre a confirmé le choix de Regent comme « repreneur pressenti ».
Fondée en 2013, la holding Regent s’est spécialisée dans la relance de marques emblématiques. Son président, Michael Reinstein, a souligné :
Petit Bateau est une institution française, profondément enracinée à Troyes, reconnue pour son savoir-faire et occupant une place précieuse dans la vie des familles à travers le monde.
Dans son communiqué, il a insisté sur la volonté de « préserver les traditions artisanales et l’esprit français qui font l’unicité de la marque ».
Cette opération illustre la tendance actuelle des fonds d’investissement étrangers à miser sur des maisons patrimoniales, dont le capital de confiance reste un atout économique majeur. Pour Rocher, la cession permet de dégager des liquidités et d’accélérer son recentrage, tandis que pour Regent, il s’agit d’un pari sur la rentabilité internationale d’une enseigne historique.
📈 Un redressement commercial
Si Petit Bateau a traversé une période délicate, les chiffres récents montrent un retour à la croissance. Comme l’a indiqué son directeur général, Alexandre Rubin :
Après le retour à la croissance en 2024, nos ventes BtoC progressent de +2,7 % au premier semestre 2025.
L’e-commerce constitue un moteur clé, avec +5,6 % en France et +8,3 % au Japon.
Ces résultats attestent du potentiel d’une marque capable de conjuguer tradition et modernité. La notoriété mondiale de Petit Bateau, associée à une montée en puissance du commerce en ligne, séduit particulièrement les investisseurs étrangers. Pour Regent, cette dynamique crée une base solide pour réinvestir, élargir les gammes et conquérir de nouveaux marchés.
Ce rachat intervient dans un contexte où l’industrie textile française reste fragilisée par la concurrence internationale et la pression des coûts. Toutefois, l’appétit d’un investisseur américain démontre que certaines marques françaises gardent une forte valeur refuge sur le plan économique et symbolique.
👁️ L’œil de l’expert
Le rachat de Petit Bateau traduit une logique duale : désengagement stratégique français face à la mondialisation et captation de valeur par les fonds étrangers. Si Regent tient ses promesses de préserver l’identité de la marque, ce passage sous pavillon américain pourrait aussi être une opportunité de scaling international. Mais l’équilibre sera délicat : maintenir la dimension patrimoniale tout en maximisant les performances financières. Pour l’industrie textile française, ce transfert interroge sur la capacité à conserver ses fleurons dans un marché globalisé dominé par les investisseurs internationaux.