C’est l’un des fleurons du textile français, mais désormais sous contrôle étranger : la marque emblématique “Petit Bateau”, fondée à Troyes, se retrouve en passe d’être acquise par le fonds d’investissement américain Regent L.P.. Ce changement de mains, acté par une autorisation sans condition de l’Autorité de la concurrence, marque un tournant majeur pour l’industrie textile hexagonale. Analyse des enjeux économiques et patrimoniaux de cette transaction.
🛍️ Un rachat dans un contexte de repositionnement
Le groupe français Groupe Rocher, propriétaire de Petit Bateau depuis 1998, avait annoncé début 2025 son intention de céder la marque afin de se recentrer sur ses activités dans la cosmétique. Le 4 septembre, la cession à Regent est révélée, soulignant « la volonté d’assurer à Petit Bateau les meilleures conditions pour poursuivre son développement sur le long terme », selon Jean-David Schwartz, directeur exécutif du groupe et relayé par Boursorama.
La transaction acquiert une dimension financière significative : Petit Bateau emploie 2 400 salariés (dont 1 400 en France), dispose de 370 points de vente et produit 28 millions de pièces par an. La montée d’un investisseur américain dans ce capital traduit aussi les pressions économiques sur le secteur textile : face à la concurrence internationale, la digitalisation, la hausse des coûts et la baisse de la natalité, la marque « made in France » s’offre une dimension « relance » via un fonds global.
La validation de l’opération par l’Autorité de la concurrence le 23 octobre 2025, « sans condition », confirme qu’elle « n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence compte tenu de parts de marché limitées » dans les zones concernées. Cette approbation donne un signal clair : la marque reste libre de se repositionner internationalement, sans blocage réglementaire.
💡 Impacts économiques et enjeux patrimoniaux
Sur le plan économique, ce rachat peut se lire comme une injection de capitaux frais et de capacités de croissance pour Petit Bateau : le fonds Regent s’engage à honorer « le savoir-faire et l’esprit français » de la marque, selon Michael Reinstein, président de Regent. Ce type d’acquisition s’inscrit dans une logique de valorisation de marques patrimoniales et de transformation industrielle/digitale.
Pour l’emploi et la production, la marque conserve son site historique à Troyes, mais les salariés restent vigilants : la crainte d’une restructuration plane malgré les engagements. Du point de vue patrimonial, Petit Bateau n’est plus uniquement un actif industriel mais devient un actif marque, valorisé au-delà du simple bilan, recherchant le « premium », l’international et les synergies globales.
Pour la filière textile française, cette opération illustre le phénomène de délocalisation de propriété : une entreprise créée en France trouve un nouveau détenteur étranger, ce qui suscite des interrogations sur l’ancrage national de l’industrie. Dans un contexte où la marque affiche un rebond de 2,7 % des ventes au premier semestre 2025, malgré un secteur fragilisé, l’enjeu est de transformer ce potentiel en croissance durable.
👁️ L’œil de l’expert
Le rachat de Petit Bateau par Regent ne relève pas seulement d’une opération de fusion-acquisition : c’est un tournant stratégique pour la marque, son industrie et le patrimoine textile français. Sur le plan financier, l’injection de nouveaux moyens et les ambitions de croissance internationale peuvent redonner de l’air à une marque éprouvée. Mais ce potentiel est conditionné par la capacité à préserver l’identité, l’emploi et l’ancrage industriel.
Pour l’expert en stratégie d’entreprise Jean-Luc Martin : « Lorsque l’on acquiert une marque à valeur patrimoniale, l’enjeu est double : dynamiser tout en respectant l’héritage. » La marque Petit Bateau devra désormais conjuguer résilience économique et attachement à son ancrage français, pour que cette nouvelle page ne soit pas simplement un changement de manche, mais une véritable relance.





