Coup dur pour le virage électrique de Porsche. Le constructeur de voitures de luxe prévoit de supprimer près de 70 % des effectifs de sa filiale batteries Cellforce, basée à Kirchentellinsfurt (sud-ouest de l’Allemagne). Selon le syndicat IG Metall, 200 à 286 salariés seront remerciés, une décision qui illustre les difficultés financières du groupe Volkswagen et la complexité de la transition vers l’électromobilité.
⛈ Une filiale devenue un fardeau
Créée en 2021 et présentée comme une « pièce maîtresse » de la stratégie électrique de Porsche, selon son directeur général Oliver Blume, la société Cellforce peine à exister face aux géants asiatiques de la batterie comme CATL ou LG.
Les comptes ont rapidement viré au rouge : au premier semestre 2025, la filiale a enregistré 295 millions d’euros d’amortissements sur ses infrastructures de production, auxquels se sont ajoutés des coûts exceptionnels. Conséquence directe : l’abandon des projets d’expansion annoncés en avril, signe que Porsche renonce à faire de Cellforce un leader technologique.
L’hebdomadaire Spiegel avait révélé l’information dès mercredi, confirmée ensuite par Kai Lamparter, représentant local d’IG Metall :
Une procédure de licenciement collectif a déjà été déposée auprès de l’agence pour l’emploi de Reutlingen
a-t-il déclaré à l’AFP.
Ces annonces contrastent avec les promesses de Volkswagen, maison mère de Porsche, qui s’était engagée en décembre dernier à éviter les licenciements secs dans le cadre de son vaste plan d’économies incluant 35.000 suppressions de postes par départs volontaires.
🪫 Le difficile pari électrique allemand
Pour Porsche, la restructuration de Cellforce s’inscrit dans un mouvement plus large de réduction des coûts. Après une première vague de 1.900 suppressions de postes en février, la marque prépare un nouveau plan d’économies. Objectif : contenir la hausse des coûts énergétiques en Europe et compenser la perte de compétitivité face à l’Asie et aux États-Unis.
La filière batteries reste un talon d’Achille pour l’industrie automobile allemande. Contrairement aux champions asiatiques bénéficiant de chaînes de valeur intégrées et de soutiens publics massifs, les constructeurs européens doivent jongler avec un environnement énergétique coûteux et une demande incertaine.
Selon le quotidien Handelsblatt, Porsche se tourne désormais vers des fournisseurs externes pour équiper ses futurs modèles électriques, citant en particulier le chinois CATL et le sud-coréen LG. Une stratégie pragmatique mais qui signe l’échec de la volonté de souveraineté industrielle incarnée par Cellforce.
De son côté, le syndicat IG Metall, par la voix de Kai Lamparter, demande à Porsche de « patienter jusqu’à mi-septembre afin de négocier un accord collectif avec le comité d’entreprise, plutôt que de s’exposer à 200 procédures judiciaires individuelles ». Un rassemblement syndical est prévu lundi à Kirchentellinsfurt, avec le soutien de représentants politiques locaux.
👁️ L’œil de l’expert : un tournant
La déconfiture de Cellforce met en lumière les limites structurelles de la stratégie électrique européenne. Alors que l’Allemagne ambitionnait de bâtir une filière batteries capable de rivaliser avec l’Asie, la dépendance accrue à des fournisseurs étrangers montre un recul stratégique.
Pour Porsche, l’enjeu dépasse la seule question industrielle : il s’agit de préserver sa marge opérationnelle, déjà fragilisée par des investissements lourds et un contexte concurrentiel tendu. Si la marque réussira sans doute à sécuriser son approvisionnement grâce à CATL ou LG, elle perd une part de sa maîtrise technologique – et donc de son indépendance stratégique.
En clair, la fermeture partielle de Cellforce n’est pas seulement un fait divers social, mais le symbole d’un tournant industriel majeur : celui où l’Europe, malgré ses ambitions, pourrait perdre la bataille de la batterie au profit de l’Asie.