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Réarmement européen : une bombe à retardement pour la dette publique ?

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Le retour du risque souverain à l’ombre des canons : alors que les tensions géopolitiques ravivent les ambitions militaires à travers l’Europe, une autre alerte se profile, plus silencieuse mais tout aussi explosive : celle du retour du spectre de la dette souveraine. Dans son dernier rapport de stabilité financière, la Banque centrale européenne (BCE) tire la sonnette d’alarme. La hausse massive des dépenses de défense, si elle n’est pas accompagnée d’une croissance économique robuste, pourrait durablement déséquilibrer les finances publiques des États membres. Et dans une zone euro déjà fragilisée par une décennie de crises successives, ce réarmement pourrait bien transformer la sécurité nationale en vulnérabilité économique.

Une course à l’armement sous haute tension budgétaire

Portée par l’urgence stratégique face au conflit russo-ukrainien, l’Europe renoue avec des niveaux de dépenses militaires inconnus depuis la Guerre froide. Mais cette escalade militaire pourrait bien engendrer une autre forme de turbulence : une pression accrue sur les finances publiques déjà sous tension. En France, par exemple, l’objectif d’atteindre 3,5 % du PIB consacré à la défense d’ici 2030 représenterait une rallonge de 120 milliards d’euros par an — soit le double du budget actuel. Or, le pays affiche déjà le déficit le plus élevé de la zone euro (5,8 %) et une dette publique de 113 % du PIB.

La BCE alerte ainsi sur un risque de « revalorisation du risque souverain », selon les mots de Luis de Guindos, vice-président de l’institution. Cette dynamique pourrait entraîner une dégradation des notations financières des États concernés et, par effet de ricochet, renchérir les coûts de financement pour l’ensemble des acteurs économiques — publics comme privés. En d’autres termes, la militarisation pourrait asphyxier l’économie si elle est financée à crédit sans perspectives solides de croissance.

Le jeu dangereux des marchés obligataires

Avec la fin des rachats d’obligations souveraines par la BCE, les États de la zone euro sont désormais seuls face aux marchés pour financer leurs déficits. Or, le retour en force des émissions de dettes pour soutenir les budgets militaires pourrait créer un afflux massif de titres publics à absorber.

La capacité des investisseurs à encaisser ces volumes sera déterminante pour éviter des turbulences sur les marchés de la dette

souligne le rapport de la BCE.

L’institution pointe également les freins structurels à la croissance qui compliquent encore l’équation : faible productivité, rigidités économiques, stagnation de l’investissement privé. Dans ce contexte, sans relais de croissance crédible, les hausses de dépenses risquent d’être perçues comme un fardeau insoutenable, ravivant de vieilles inquiétudes sur la soutenabilité de la dette, notamment dans les économies les plus exposées comme l’Italie, la Belgique, l’Espagne ou la France, toutes au-dessus de 100 % d’endettement public rapporté au PIB.

Fait notable : la BCE, tout en restant prudente, n’évoque pas directement une répétition des crises de la dette de 2012 ou de l’épisode pandémique de 2020. Mais le message est clair : la vigilance est de mise, et l’équilibre budgétaire européen pourrait être mis à rude épreuve par ce virage stratégique.

L’œil de l’expert : sécurité vs stabilité, le dilemme européen

Le réarmement des États européens marque un tournant stratégique incontournable. Mais l’impératif de sécurité ne doit pas faire oublier la réalité arithmétique : une économie ne se muscle pas uniquement par la dépense. Sans politique de croissance cohérente ni réforme structurelle, ces investissements risquent d’être vécus par les marchés comme un emballement budgétaire incontrôlé. Le véritable défi des États sera donc de concilier impératif militaire et responsabilité budgétaire. Faute de quoi, la guerre menée contre l’insécurité pourrait ouvrir un autre front : celui d’une nouvelle crise de la dette souveraine. 

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