L’usage personnel du smartphone sur le lieu de travail, souvent perçu comme anodin, pèse lourdement sur la richesse nationale. Selon une étude de l’économiste Solal Chardon-Boucaud, publiée par le ministère de l’Économie, la distraction numérique coûterait déjà 0,6 point de PIB à la France, soit 15 milliards d’euros par an. Entre baisse de productivité et effets délétères sur la santé, le phénomène illustre la puissance de l’« économie de l’attention », modèle économique conçu pour capter au maximum le temps des utilisateurs.
💥 Un impact direct sur le PIB
Le cœur du problème réside dans le temps de travail effectif amputé. L’étude rappelle que les salariés consacrent entre 20 minutes et 2h30 par jour à des usages non professionnels sur leur téléphone. Au-delà de cette perte brute, le coût est aggravé par le temps nécessaire pour se reconcentrer après chaque interruption.
Résultat : une perte estimée à 0,4 % du PIB, soit 10 milliards d’euros par an, rien qu’en productivité.
Ces interruptions pèsent directement sur la création de valeur
insiste Chardon-Boucaud. Mais l’impact ne s’arrête pas là. L’« économie de l’attention » altère également la santé mentale des salariés : troubles du sommeil, anxiété, dépression et stress chronique. Ces pathologies induisent un surcoût évalué à 0,2 % du PIB, soit 5 milliards d’euros, via l’absentéisme, la baisse de performance et même certaines retraites anticipées.
Additionnés, ces deux facteurs représentent déjà 15 milliards d’euros de pertes annuelles, l’équivalent de la valeur ajoutée d’un secteur industriel stratégique.
💣 Une bombe à retardement pour l’économie française
Le plus inquiétant, selon l’étude, est la projection à long terme. D’ici 2060, la perte pourrait grimper entre 2 et 2,9 points de PIB. En cause : une détérioration progressive des capacités cognitives (attention, mémoire, concentration), qui menace les générations futures.
« Cet ordre de grandeur doit être considéré avec prudence », précise l’économiste, tout en soulignant le rôle central de l’exposition précoce des jeunes aux écrans. Le Crédoc estime déjà que 30 % des 12-17 ans passent plus de 35 heures par semaine devant un écran. Ces futurs actifs pourraient donc entrer sur le marché du travail avec des capacités cognitives affaiblies, accentuant les pertes de productivité.
Face à ce constat, les pouvoirs publics explorent des solutions. Un rapport parlementaire, relayé par la députée Laure Miller (EPR), propose l’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans et un couvre-feu numérique pour les 15-18 ans. Mais ces mesures se heurtent à la résistance des plateformes, à des défis techniques et au débat sur les libertés individuelles.
👁️ L’œil de l’expert
L’étude met en lumière une réalité souvent sous-estimée : les réseaux sociaux ne constituent pas seulement un enjeu de société, mais un risque macroéconomique majeur. Le coût actuel, déjà équivalent à celui d’une crise sectorielle, pourrait se transformer en handicap structurel pour la compétitivité française.
Le défi est clair : trouver un équilibre entre innovation numérique et préservation des ressources cognitives. Sans régulation efficace ni stratégie de prévention, l’économie française risque de payer une facture exponentielle dans les décennies à venir.





