La trajectoire financière de la Sécurité sociale inquiète sérieusement les pouvoirs publics. Un rapport transpartisan du Sénat, signé par les sénatrices Élisabeth Doineau (Union centriste) et Raymonde Poncet Monge (Écologiste), révèle une dérive incontrôlée : le déficit, qui représente 0,5 % du PIB en 2024, pourrait grimper à 3,3 % en 2040 et atteindre 8,7 % du PIB en 2070 si rien n’est fait. En cause : des dépenses de santé en hausse constante et des recettes insuffisamment compensées.
🕳 Un gouffre budgétaire qui se creuse
En 2024, la Sécurité sociale a affiché un déficit de 15,3 milliards d’euros, un record hors période de crise. Les projections ne sont pas plus rassurantes : 24,8 milliards en 2025, à législation constante. Les sénatrices alertent : sans réformes profondes, la trésorerie de la Sécu pourrait entrer « en zone de risque » dès fin 2025, menaçant le versement des prestations sociales.
La dérive s’explique par plusieurs facteurs :
une hausse structurelle des dépenses de l’Assurance maladie, mal contenue malgré la loi de financement 2025 (+2,9 %/an),
des mesures du Ségur de la santé partiellement financées,
et surtout des allègements de cotisations sociales qui explosent : 100 milliards d’euros en 2023, dont 35 milliards non compensés par l’État.
Selon le rapport, atteindre l’objectif gouvernemental d’un retour à l’équilibre d’ici 2028-2029 reste possible, mais nécessiterait 40 milliards d’euros d’économies ou de recettes nouvelles, soit près de 10 milliards par an.
🏥 Dépenses de santé et inefficiences
La hausse continue des dépenses de santé est au cœur de la dérive. Jusqu’ici, les économies se sont surtout concentrées sur la pression sur les prix (médicaments, actes médicaux, dispositifs). Mais cette logique atteint ses limites. Les rapporteuses estiment qu’il faut désormais cibler les « inefficiences » du système, autrement dit le gaspillage, qui représenterait jusqu’à un quart des dépenses de l’Assurance maladie.
Si le rythme de croissance des dépenses est maintenu à +2,9 % par an, cela suppose déjà 4 milliards d’euros d’économies nettes annuelles. Le reste devra provenir de nouvelles recettes fiscales ou sociales, ou encore d’une hausse du PIB via l’augmentation de la quantité de travail.
Comme le souligne Élisabeth Doineau, il n’existe pas de « recette magique » : seule une combinaison de mesures structurelles permettra d’éviter un scénario d’endettement explosif, avec un déficit supérieur à 8 % du PIB d’ici 2070.
👁️ L’œil de l’expert : du courage !
La Sécurité sociale est aujourd’hui au cœur de l’équilibre budgétaire français. Son déficit chronique n’est plus seulement un enjeu social, mais un risque économique majeur. Chaque point de PIB de dérive représente des dizaines de milliards supplémentaires de dette, pesant sur la croissance et la capacité d’investissement de l’État.
L’équation est claire : sans réformes courageuses sur la gestion des dépenses de santé et une révision des niches sociales, la Sécu pourrait devenir un facteur de déséquilibre macroéconomique durable.
À l’inverse, une maîtrise anticipée et intelligente des inefficiences peut dégager les marges nécessaires pour préserver le modèle social français tout en garantissant sa soutenabilité financière.