Accueil Finances Budget Sécurité sociale : le prix caché des concessions de Lecornu
BudgetFinances

Sécurité sociale : le prix caché des concessions de Lecornu

Sébastien Lecornu à l'Assemblée nationale
Partager

Un budget adopté… mais à quel coût réel ? Pour sécuriser l’adoption du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2026, Sébastien Lecornu a dû composer avec une mosaïque d’exigences politiques et financières. Derrière le vote acquis de justesse se cache une série de compromis dont l’impact dépasse largement la seule mécanique parlementaire. Le report de la réforme des retraites, l’assouplissement de mesures de régulation, ou encore le relèvement significatif de l’ONDAM ont réécrit la trajectoire financière du système social français. Ces choix « ont élargi le déficit tout en consolidant une majorité fragile ». Voici notre analyse approfondie des conséquences économiques et budgétaires de ces concessions.

⚖️ Des concessions très coûteuses

Le report de la réforme des retraites : un compromis à plusieurs milliards – L’un des gestes politiques les plus lourds consiste dans la suspension du calendrier de la réforme des retraites de 2023. Initialement prévue pour produire des économies structurelles, son report au-delà de 2027 provoque mécaniquement une poursuite de la hausse tendancielle des dépenses de pensions, alors que l’équilibre démographique continue de se dégrader. ce choix résulte d’un arbitrage politique assumé destiné à rallier une fraction hésitante de l’hémicycle. Un surcoût d’au moins 500 millions d’Euros pour cette seule concession.

L’ONDAM rehaussé : un signal fort… mais coûteux pour les comptes publics Pour rallier le soutien des groupes sensibles aux enjeux de santé (les écologistes entre autres), le gouvernement a concédé une hausse de l’ONDAM de 2 % à 3 %, soit une enveloppe supplémentaire représentant plusieurs centaines de millions d’euros. Cette révision entraîne une augmentation automatique des dépenses hospitalières et mécaniquement un besoin de financement supérieur en 2026. Cette concession entraine également une révision à la hausse du déficit social.

Des abandons fiscaux et sociaux qui amputent les recettes – Parallèlement, certaines mesures correctrices ont été retirées, notamment l’augmentation des franchises médicales ou des ajustements fiscaux destinés à compenser l’inflation des dépenses de soins. Même l’instauration de contributions supplémentaires sur les complémentaires santé ne suffit pas à absorber le surcoût global.

Un déficit aggravé mais un “scénario catastrophe” évité – Les données sont sans ambiguïté : le déficit prévu initialement s’élevait à environ 17 milliards d’euros. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale voté à l’Assemblée Nationale, hier soir prévoit un déficit compris entre 19,6 et 20 milliards d’euros. Notons cependant que même si ces concessions ont « creusé le déficit de 2 à 3 milliards », l’absence de texte aurait engendré un gouffre presque deux fois plus profond.

🧾 Les marges de manœuvre de l’État  se réduisent

Un effet de ciseaux sur les finances publiques – Le PLFSS représentant plus de 40 % de la dépense publique totale, tout relâchement de sa trajectoire a un effet quasi direct sur l’objectif national de déficit public. Le relèvement du déficit social fragilise la promesse gouvernementale visant à contenir le déficit sous les 5 % du PIB l’année suivante.

Un coût politique devenu coût financier – Les  concessions ont coûté politiquement. En sécurisant le vote sans recourir au 49.3, le gouvernement a exposé sa majorité à de nouvelles pressions. Cette fragilisation accroît le risque d’amendements supplémentaires en seconde lecture ; mais surtout le risque d’alourdissement additionnel des dépenses obligatoires ; et donc de renégociations ultérieures, donc d’instabilité budgétaire.

Un risque inflationniste et un déficit redistributif – L’augmentation des dépenses sociales sans ressources nouvelles pérennes ouvre la voie à un potentiel financement par endettement supplémentaire ou encore à une hausse des hausses d’impôts ultérieure, voire à la création de nouvelles taxes.

À court terme, la dynamique est favorable au pouvoir d’achat des ménages, mais elle détériore la trajectoire de dette publique. Plusieurs analyses parlementaires soulignent la tension croissante entre stabilité sociale immédiate et soutenabilité budgétaire à moyen terme.

👁 L’œil de l’expert : du court-termisme aux effets durables 

Les concessions réalisées par Sébastien Lecornu ont permis de franchir l’obstacle parlementaire, mais elles ont également reconfiguré la trajectoire budgétaire de la Sécurité sociale. Le déficit s’alourdit de 2 à 3 milliards dès 2026, et la trajectoire pluriannuelle se tend. Certes, le gouvernement a évité un scénario extrême à 30 milliards de déficit, mais au prix d’un glissement durable des comptes sociaux.

Ces arbitrages traduisent une stratégie de court terme visant à stabiliser la scène politique dans l’immédiat, mais ils repoussent à plus tard la question centrale : comment rétablir durablement l’équilibre d’un système social historiquement généreux, devenu aujourd’hui financièrement vulnérable, voire intenable ?
Dans un contexte d’endettement record, chaque point d’ONDAM et chaque année de report de réforme comptent. Les années à venir exigeront des révisions plus profondes, plus structurantes et probablement plus difficiles.

Written by
Fabien Monvoisin

Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français

D'autres articles
FinancesImmobilier

Patrimoine des ménages : les Français 9% plus riches en dix ans

Les nouvelles données de l’Insee révèlent une hausse généralisée du patrimoine… mais...

BudgetFinances

Prime de Noël 2025 : pourquoi des millions de ménages risquent un versement décalé en janvier 2026 ?

Alors que plus de deux millions de ménages comptent chaque année sur...

FinancesSociété

Téléthon : histoire, records et enjeux

Depuis 1987, le Téléthon s’impose comme l’un des rendez-vous caritatifs les plus...

BudgetFinances

Thermostats connectés obligatoires : un nouveau choc financier pour les propriétaires

La régulation énergétique des logements franchit une nouvelle étape : tous les...