Le succès fulgurant de Shein et Temu repose sur un cocktail explosif : des prix ultra-compétitifs, un marketing agressif et une logistique mondiale d’une redoutable efficacité. Mais derrière ces plateformes stars du e-commerce low-cost, une autre réalité se dessine : celle d’une absence de contrôle des produits mis en vente.
Selon une enquête choc publiée par l’UFC-Que Choisir, 57 % des articles testés sur ces sites présenteraient un danger pour les consommateurs européens. Jouets, chargeurs, bijoux… les anomalies relevées vont du simple défaut de conformité à des risques graves d’intoxication, d’incendie ou d’étouffement. Un constat qui interroge, à l’heure où le commerce transfrontalier explose et où les normes de sécurité européennes peinent à suivre la cadence des importations venues de Chine.
🔌 Produits low-cost, sécurité au rabais
Les chiffres publiés par l’association sont sans appel : sur 162 produits testés (dont 54 chargeurs USB, 54 jouets et 54 bijoux), près de 70 % ne respectent pas les exigences européennes.
Les chargeurs USB arrivent en tête des produits les plus dangereux. D’après le rapport, seuls deux modèles sur 54 sont conformes. Les autres présentent des risques de surchauffe, d’incendie ou de choc électrique, aggravés par des boîtiers fragiles et des composants de mauvaise qualité.
Les jouets pour enfants suscitent une inquiétude tout aussi forte : 53 sur 54 ont échoué aux tests de sécurité. Certaines pièces se détachent facilement, provoquant un risque d’ingestion ou d’étouffement, tandis que des traces de formaldéhyde, substance toxique, ont été détectées dans plusieurs modèles. Plus étonnant encore, une balle sonore émettait un bruit supérieur à celui… d’un marteau-piqueur.
Enfin, les bijoux fantaisie, souvent vendus à prix dérisoires, recèlent aussi leurs dangers : 6 échantillons contenaient des métaux lourds, dont un bijou composé à 85 % de cadmium, un métal cancérogène.
Malgré le retrait de certains articles après signalement, de nombreux produits dangereux restent disponibles. Comme le souligne l’UFC-Que Choisir, « les contrôles réalisés ne sont pas exhaustifs » et les plateformes « profitent d’un flou réglementaire » pour continuer à écouler leurs stocks.
💸 Le modèle économique du risque
Si ces pratiques persistent, c’est parce qu’elles reposent sur un équilibre économique précaire mais rentable. Shein et Temu misent sur des volumes colossaux et des prix planchers, rendant toute vérification systématique quasi impossible.
« Ces plateformes achètent à bas coût et livrent directement depuis l’Asie, sans passer par les circuits de contrôle européens », explique Nathalie Devaux, spécialiste du commerce en ligne. Une stratégie qui leur permet de conquérir des parts de marché à vitesse record, mais au prix d’un affaiblissement du cadre de protection des consommateurs.
Le risque, cette fois, dépasse le simple plan sanitaire. Les rappels de produits, les procédures judiciaires et la perte de confiance du public pourraient coûter cher à ces géants du e-commerce. L’Union européenne réfléchit d’ailleurs à durcir les règles imposées aux marketplaces étrangères, en imposant des obligations de traçabilité et de conformité plus strictes.
👁️ L’œil de l’expert
L’affaire Shein-Temu illustre la tension croissante entre liberté commerciale et sécurité du consommateur.
Face à la montée des risques, les autorités européennes devront imposer aux plateformes une véritable responsabilité légale, à l’image de ce qui existe déjà pour les distributeurs traditionnels.
En définitive, la promesse du « moins cher, livré plus vite » a un revers : celui d’un e-commerce mondialisé où la sécurité devient la variable d’ajustement de la rentabilité. Une course aux prix bas qui pourrait, à terme, se retourner contre ses propres champions.





