Le débat s’intensifie au sein de la Réserve fédérale américaine (Fed). Selon le compte rendu des discussions publié le 8 octobre, la majorité des responsables monétaires estime qu’il serait « probablement opportun » de procéder à deux nouvelles baisses de taux d’ici la fin de l’année 2025.
Cette orientation vise à stimuler une économie américaine en ralentissement, mais elle révèle aussi de profondes divergences internes.
📉 Entre prudence et relance : une baisse des taux sous tension
Mi-septembre, la Fed avait déjà réduit ses taux directeurs de 0,25 point, marquant son premier geste d’assouplissement de l’année. Une décision prise dans un contexte de marché du travail fragilisé et de croissance moins dynamique. Mais elle n’a pas fait l’unanimité : Stephen Miran, gouverneur récemment nommé par Donald Trump, plaidait pour une baisse plus marquée de 0,5 point, estimant qu’un signal fort était nécessaire pour soutenir la demande.
À l’inverse, plusieurs membres du comité ont défendu le statu quo, redoutant qu’une baisse trop rapide ravive les tensions inflationnistes. Le compte rendu souligne d’ailleurs que « quelques participants ont estimé qu’il aurait pu être préférable de laisser les taux inchangés ».
Ces débats reflètent la complexité du mandat actuel de la Fed : maintenir l’équilibre entre le soutien à l’économie et la lutte contre une inflation encore supérieure à la cible de 2 %.
Certains gouverneurs jugent en effet improbable une hausse rapide du chômage, ce qui les pousse à ralentir le rythme des assouplissements monétaires. Une position dite “hawkish” (restrictive) qui s’oppose à celle des membres plus “dovish” (accommodants), favorables à une détente prolongée des taux.
Pourtant, les marchés financiers continuent de miser sur un scénario de baisse continue du coût du crédit. Selon les données de CME FedWatch, les investisseurs anticipent une nouvelle détente dès la prochaine réunion de la Fed, prévue fin octobre.
L’économiste Samuel Tombs (Pantheon Macroeconomics) estime que les divisions internes vont probablement s’accentuer : « La probabilité de voir plusieurs membres voter contre la majorité a augmenté. Le gouverneur Miran incarne la ligne la plus accommodante, tandis que d’autres défendent une prudence nécessaire face aux risques inflationnistes ».
Cette fracture entre faucons et colombes s’annonce déterminante pour la trajectoire de la politique monétaire américaine. Car au-delà du débat interne, c’est toute l’économie mondiale qui scrute les décisions de Washington : un nouvel assouplissement de la Fed pourrait peser sur le dollar, stimuler les marchés boursiers et relancer les flux de capitaux vers les économies émergentes.
👁️ L’œil de l’expert : un équilibre précaire
La Réserve fédérale se trouve dans une position d’équilibriste. D’un côté, les indicateurs de croissance justifient un soutien monétaire supplémentaire ; de l’autre, une inflation encore résistante rend chaque baisse de taux risquée.
Les deux prochaines réunions du FOMC seront cruciales : un double assouplissement d’ici décembre pourrait réorienter la politique monétaire mondiale, forçant la BCE et la Banque d’Angleterre à ajuster leur stratégie.
Mais si les divergences internes persistent, la Fed risque de brouiller son signal auprès des marchés, déjà nerveux face à la volatilité des rendements obligataires.
En somme, la banque centrale américaine avance sur une corde raide : stimuler sans déstabiliser, anticiper sans sur-réagir.
Un jeu d’équilibre qui façonnera la trajectoire financière mondiale jusqu’en 2026.