Une page se tourne pour une marque emblématique. C’est un coup de tonnerre dans le paysage industriel français : Teisseire fermera son usine historique de Crolles (Isère) d’ici avril 2026. Une annonce au goût amer pour cette marque fondée à la fin du XVIIIe siècle dans les Alpes, symbole d’un savoir-faire sucré devenu patrimoine national.
Face à une crise économique profonde, l’entreprise justifie cette décision par une situation financière devenue “extrêmement difficile” et sans perspective de redressement, selon le communiqué publié le 16 octobre. Au total, près de 170 emplois seront supprimés. Au-delà du choc social, cette fermeture illustre la fragilité économique du secteur agroalimentaire français, pris en étau entre inflation des coûts, mutation de la consommation et pression concurrentielle mondiale.
📉 Une spirale économique fatale
Selon Christophe Garcia, président de Teisseire, “après avoir exploré toutes les solutions possibles, ce scénario est aujourd’hui incontournable pour assurer la pérennité de l’entreprise”.
Cette déclaration traduit une impasse industrielle amorcée depuis près d’une décennie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : un résultat d’exploitation passé de +10 % du chiffre d’affaires en 2020 à -2 % en 2025.
Une dégradation rapide, alimentée par plusieurs facteurs structurels :
un déséquilibre croissant du rapport de force avec les grands distributeurs et les fournisseurs de matières premières,
une concurrence accrue, notamment étrangère, sur les sirops et boissons aromatisées,
des contraintes réglementaires plus lourdes sur le sucre et les additifs,
et un changement profond des comportements des consommateurs, plus attentifs à la santé et à la composition des produits.
Le groupe explique que ces pressions, combinées à des rigidités internes et une structure industrielle coûteuse, ont rendu le site de Crolles non compétitif.
La production sera désormais externalisée en Normandie chez Slaur-Sardet, “dans le but de maintenir les volumes de production en France”, assure la direction.
⚙️ Une réorganisation sous contrainte
Cette décision s’inscrit dans une restructuration globale imposée par la maison-mère, Britvic, passée sous contrôle du géant danois Carlsberg en 2024.
Les nouvelles orientations visent à rationaliser les coûts et optimiser la rentabilité dans un marché européen saturé.
Teisseire prévoit 205 suppressions de postes et 38 créations, soit 167 suppressions nettes. Les fonctions commerciales seront externalisées, tandis qu’un plan d’accompagnement social est promis.
Derrière ces ajustements, c’est une logique économique d’arbitrage entre rendement et ancrage territorial. Carlsberg, désormais actionnaire majoritaire, cherche à redresser les marges opérationnelles dans un contexte de hausse généralisée des coûts de production.
L’enjeu est clair : réduire les pertes, restaurer la compétitivité et sécuriser la marque Teisseire à l’échelle internationale, quitte à sacrifier son ancrage local historique.
👁️ L’œil de l’expert
Cette fermeture est bien plus qu’un fait divers industriel : c’est un signal d’alerte sur la compétitivité des PME et ETI agroalimentaires françaises.
Le modèle productif hérité des années 1980 peine à absorber la triple pression de la mondialisation, de la transition écologique et des nouveaux comportements de consommation.
À court terme, Teisseire devra prouver que la mutualisation industrielle avec Slaur-Sardet peut stabiliser les marges sans altérer la qualité perçue de ses produits.
À long terme, la marque risque toutefois de perdre ce qui faisait sa force : son ancrage local, gage d’authenticité et de confiance.