Rien ne va plus — ou presque — pour Tesla. Le constructeur californien, longtemps symbole de la rentabilité fulgurante des véhicules électriques, subit aujourd’hui les contrecoups d’un environnement économique de plus en plus hostile. Entre droits de douane alourdis, hausse des coûts opérationnels, et investissements massifs dans la recherche et l’intelligence artificielle, le groupe dirigé par Elon Musk voit ses bénéfices s’effondrer malgré une croissance continue de son chiffre d’affaires.
Alors que la concurrence asiatique accélère, notamment BYD en Chine, Tesla joue désormais une partie double : préserver sa position sur le marché mondial tout en préparant sa transformation en entreprise technologique à forte intensité d’IA.
🚘 Croissance fragile et guerre des prix
Au troisième trimestre, Tesla affiche des résultats contrastés. Son chiffre d’affaires a progressé de 12 % sur un an, atteignant 28,09 milliards de dollars, dépassant les attentes du marché. Mais dans le même temps, le bénéfice net s’est effondré de 37 %, pour s’établir à 1,37 milliard de dollars.
Selon le communiqué publié mercredi, cette chute s’explique par une combinaison explosive : droits de douane renforcés, frais de restructuration en hausse, et recul des crédits réglementaires.
Le bénéfice par action ressort à 0,50 dollar, bien en deçà du consensus FactSet (0,56 dollar). Résultat immédiat : le titre a perdu 1,63 % en post-séance à Wall Street.
Malgré tout, Tesla reste offensif. Début octobre, le groupe a surpris les analystes en annonçant une hausse de 7 % de ses livraisons mondiales, soit 497 099 véhicules vendus sur la période. Mais ce sursaut est en partie artificiel : il s’explique par la fin du crédit d’impôt fédéral américain de 7 500 dollars, qui a dopé les ventes avant sa disparition.
Pour Deutsche Bank, la suite s’annonce plus rude :
Le volume devrait baisser au quatrième trimestre, mais la chute pourrait être moins marquée qu’attendu.
Face à la pression, Tesla a lancé deux versions plus abordables de ses Model 3 et Model Y, désormais proposées en dessous des 40 000 dollars, sans pour autant dévoiler le modèle “low-cost” promis depuis des années, censé révolutionner l’accès à la mobilité électrique.
La dynamique reste donc fragile : les analystes prévoient 425 000 livraisons au dernier trimestre, contre 496 000 un an plus tôt. Le groupe pourrait même perdre sa première place mondiale au profit de BYD, qui a déjà écoulé 1,58 million de véhicules électriques sur neuf mois, contre 1,22 million pour Tesla.
🤖 L’IA comme nouveau moteur de valorisation
Mais derrière cette contraction de marge, Tesla avance ses pions dans un autre domaine : l’intelligence artificielle.
Pour Wedbush Securities, “l’histoire de Tesla ne se résume plus à l’automobile, mais à sa capacité à transformer l’IA et la robotique en leviers de croissance massifs”. Selon leurs projections, le groupe pourrait tirer jusqu’à 1 000 milliards de dollars de valorisation de ses activités d’IA, faisant grimper sa capitalisation boursière à 2 000 milliards début 2026, puis 3 000 milliards fin 2026, contre 1,46 trillion aujourd’hui.
Le pari est audacieux. En parallèle, l’assemblée générale du 6 novembre sera décisive : les actionnaires doivent se prononcer sur un nouveau plan de rémunération colossal pour Elon Musk, susceptible de lui rapporter plus de 1 000 milliards de dollars sur dix ans, à condition de réaliser une croissance “stratosphérique” du groupe.
Ils voteront également sur une prise de participation de Tesla dans xAI, la société d’intelligence artificielle fondée par Musk, également propriétaire du réseau social X (ex-Twitter).
👀 L’œil de l’expert : un virage nécessaire et risqué
Pour Marc Delcourt, économiste industriel, Tesla vit une mutation qui reste inévitable : ses marges opérationnelles s’érodent dans l’automobile, mais sa valeur à venir réside dans la data, mais aussi dans l’IA et l’autonomie. C’est une bascule d’un constructeur vers une entreprise technologique globale. L’avenir du groupe se jouera donc à la croisée de deux mondes :
d’un côté, la pression du marché automobile mondial, marqué par la concurrence chinoise et la guerre des prix ;
de l’autre, la promesse de l’intelligence artificielle, dont Musk veut faire le véritable moteur de la prochaine décennie.
Si le pari réussit, Tesla pourrait bien redevenir ce qu’il a toujours prétendu être : non pas un constructeur d’automobiles, mais un créateur d’avenir.





