Le bras de fer entre Washington et Pékin autour de TikTok connaît enfin un tournant décisif. Après des mois de menaces d’interdiction et de dates butoirs repoussées, les deux puissances ont trouvé un terrain d’entente à Madrid. L’application aux 170 millions d’utilisateurs américains devrait passer sous pavillon américain, marquant un compromis entre sécurité nationale et intérêts économiques. Comme l’a confirmé Scott Bessent, secrétaire au Trésor des États-Unis : « Nous avons un cadre pour un accord TikTok. » Mais au-delà du symbole politique, cette opération pose des questions cruciales sur la valorisation financière de la plateforme et sur la guerre technologique qui oppose les deux plus grandes puissances mondiales.
💰 Une transaction au cœur de la guerre des données
L’accord, encore en attente de validation par ByteDance et les autorités chinoises, prévoit un transfert de propriété majoritaire vers des investisseurs américains. Le schéma rappelle le protocole d’avril dernier, qui devait porter la participation non chinoise de 60 % à 80 %, avant d’être suspendu par une nouvelle salve de droits de douane imposés par Washington.
La logique économique est claire : sécuriser TikTok tout en évitant son bannissement, qui aurait représenté une perte massive de valeur pour ByteDance. Selon les analystes, l’application pèse aujourd’hui entre 80 et 100 milliards de dollars, un actif numérique que ni Pékin ni Washington ne peuvent se permettre de voir disparaître.
Mais les craintes persistent. Comme le souligne un rapport parlementaire français, TikTok conserve des « liens persistants avec la Chine », notamment via ByteDance, ce qui fait peser des risques de manipulation et de captation de données. Une inquiétude partagée des deux côtés de l’Atlantique, alors que l’économie numérique repose de plus en plus sur la maîtrise des données personnelles, devenues le pétrole du XXIe siècle.
⚙️ Un climat de rivalité technologique
Ce compromis ne signe pas la fin des tensions entre Pékin et Washington. Bien au contraire. À peine l’accord esquissé, la Chine a annoncé l’ouverture d’une enquête contre le géant américain Nvidia pour « violation des lois antimonopole ». Une riposte qui s’inscrit dans une compétition féroce autour des semi-conducteurs et de l’intelligence artificielle, secteurs jugés stratégiques par les deux pays.
Pour Donald Trump, qui avait assuré dès juin « avoir un acheteur pour TikTok », ce deal permet de marquer un point politique à quelques mois des prochaines échéances électorales. Mais il s’agit aussi d’un signal aux marchés financiers : les États-Unis entendent garder le contrôle des infrastructures numériques présentes sur leur territoire.
De son côté, la Chine se montre réticente à valider officiellement une cession, consciente que TikTok reste l’un de ses leviers d’influence internationale les plus puissants. La bataille autour de la plateforme illustre donc un équilibre fragile : maintenir l’accès au marché américain sans perdre la face dans la rivalité technologique.
👁️ L’œil de l’expert
L’accord sur TikTok illustre une tendance de fond : la sécurisation des actifs numériques stratégiques dans un contexte de fragmentation de l’économie mondiale. Si la vente se confirme, elle constituera un précédent majeur, prouvant que même les géants du numérique ne peuvent ignorer les logiques géopolitiques.
En clair, TikTok devient bien plus qu’un réseau social : il est le terrain de bataille d’une guerre économique et idéologique où se joue l’avenir de la souveraineté numérique. La transaction, encore fragile, pourrait ainsi redessiner durablement l’équilibre des puissances dans la tech mondiale.