Après avoir frôlé la disparition en 2024, Tupperware France signe un retour remarqué. Sauvée in extremis de la liquidation judiciaire, la filiale française de la marque culte de boîtes hermétiques ambitionne désormais de retrouver une place stratégique sur le marché européen. Portée par son repreneur, l’entrepreneur Cédric Meston, Tupperware mise sur un modèle hybride mêlant innovation produit, digitalisation des ventes et repositionnement marketing. Mais ce plan de relance, chiffré et ambitieux, reste confronté à de sérieuses incertitudes économiques.
📉 D’une faillite mondiale à un redémarrage
En septembre 2024, la maison-mère américaine annonçait sa faillite, une chute symbolique pour une entreprise née en 1946 aux États-Unis et devenue un nom générique. En France, la filiale échappe de peu à la disparition grâce à un accord de sauvetage et au rachat par Cédric Meston, fondateur de HappyVore.
Le nouveau patron résume sans détour l’ampleur du défi :
Notre objectif, c’est de passer de 0 euros de chiffre d’affaires à 100 millions d’ici la fin de l’année. Pour l’instant, on est à la moitié
a-t-il déclaré à RMC Conso. Ce redémarrage intervient après une décennie de déclin : 40.000 vendeurs en 2019, un chiffre d’affaires mondial divisé par trois entre 2010 et 2022, et une image ternie par les critiques environnementales sur le plastique. La crise du Covid a asséné le coup de grâce : chiffre d’affaires mondial réduit de 4 milliards à 1,3 milliard de dollars.
📲 Vente directe 2.0 et canaux diversifiés
Le pari de la relance repose sur la modernisation du modèle de vente historique. Si Tupperware conserve la vente directe, qui avait fait sa gloire avec jusqu’à 4.000 réunions quotidiennes en France dans les années 1970, celle-ci prend désormais une nouvelle forme.
Nous avons 2.500 vendeurs en France dont nous allons sauver les emplois
explique Cédric Meston. L’idée est d’adapter le principe aux réseaux sociaux, transformant TikTok et Instagram en vitrines pour séduire les nouvelles générations.
Les vendeurs peuvent espérer jusqu’à 60.000 € de revenus annuels, un argument qui rappelle l’attrait initial du modèle des années 1960 mais adapté à l’économie numérique. En parallèle, Tupperware mise aussi sur la vente en ligne et la grande distribution, afin de ne pas dépendre d’un seul canal.
La digitalisation s’accompagne d’un processus d’achat simplifié, avec une application dédiée en remplacement des bons papiers, symbole du passé.
🫙 Innovation produit et repositionnement premium
Pour convaincre des consommateurs plus exigeants et soucieux d’écologie, Tupperware élargit et transforme son offre : plus de 200 références, des pochettes en silicone, des ustensiles de cuisine et des gourdes isothermes.
Face aux critiques sur le plastique, l’entreprise diversifie ses matériaux : silicone, verre et inox s’imposent aux côtés du plastique, encore présent dans 50 % des produits.
Durabilité et qualité justifient nos prix
plaide Cédric Meston. Pourtant, l’écart tarifaire est marqué : 50 € pour une gourde, 28 € pour une pochette en silicone, des montants bien supérieurs à ceux des plateformes chinoises.
La production, délocalisée en Asie et au Mexique depuis la fermeture de l’usine de Joué-lès-Tours en 2018, pourrait partiellement revenir en Europe, mais la relocalisation représente un investissement lourd.
👁️ L’œil de l’expert : pari risqué
Le plan Meston pour Tupperware repose sur une équation financière délicate : préserver l’héritage d’une marque culte tout en la modernisant face à une concurrence à bas prix et à des consommateurs de plus en plus sensibles au rapport qualité-prix.
Sur le papier, l’objectif de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires en un an relève de l’exploit. La diversification des canaux de distribution et l’innovation produit constituent des leviers solides, mais le pari reste capitalistique et risqué.
Si Tupperware parvient à exploiter le filon nostalgique et à transformer la vente directe en réseau social rentable, la marque pourrait redevenir un acteur majeur du marché européen des contenants alimentaires. À défaut, elle risque de rester une icône vintage, dépassée par les géants du e-commerce asiatique.