Face à l’inflation, les vacanciers se replient sur les repas faits maison : une onde de choc pour l’économie de la restauration. Alors que l’été bat son plein, une lame de fond secoue le secteur de la restauration française. Les tables se vident, les additions font grimacer et les professionnels redoutent une saison noire. En cause ? Une combinaison explosive entre inflation persistante et pouvoir d’achat en berne, qui pousse de plus en plus de touristes à bouder les restaurants au profit de repas pris à domicile ou improvisés sur le pouce. Une tendance conjoncturelle qui pourrait bien avoir des conséquences structurelles à moyen terme pour la filière.
📉 Une baisse de fréquentation nationale
Du littoral aquitain à la façade méditerranéenne, le constat est unanime : la fréquentation chute de 15 à 20% selon les professionnels. À Lacanau, interrogée par TF1, une vacancière résume le sentiment général :
Avant, on sortait beaucoup plus. Maintenant, on limite, parce que ça a augmenté.
La tendance est limpide : les repas pris au restaurant sont remplacés par des apéritifs à la maison ou des pique-niques économiques, les vacanciers privilégiant les loisirs ou les sorties gratuites.
Franck Chaumés, président national de l’UMIH (Union des Métiers de l’Hôtellerie-Restauration) et patron du restaurant National à Bordeaux, confie à TF1 :
Historiquement, on faisait 60 à 70 couverts par service. Aujourd’hui, c’est plutôt 45 à 50. Je n’ai jamais vu ça.
Conséquence directe : des suppressions de postes sont déjà en cours dans plusieurs établissements. Les restaurateurs ne cachent pas leur inquiétude. Dans un secteur déjà fragilisé par les crises successives — pandémie, coûts de l’énergie, hausse des matières premières — ce recul de la clientèle constitue une véritable alerte économique. Car au-delà de la saison estivale, c’est tout l’équilibre financier du modèle de restauration traditionnelle qui est remis en cause.
💸 Inflation, arbitrages et adaptation
L’inflation, toujours élevée sur les produits alimentaires et les services, a obligé les restaurateurs à revoir leurs tarifs à la hausse, souvent à contrecœur.
On s’est alignés sur l’inflation. On a dû augmenter de un ou deux euros par plat. Pour une famille de quatre, cela revient à 80 ou 100 euros pour un repas. C’est compréhensible qu’ils se tournent vers les marchés ou la cuisine maison
explique Raphaël Cantis, gérant du Beach House, dans le reportage de TF1.
Mais cette hausse des prix, bien qu’inévitable, provoque une réaction en chaîne : les clients désertent, les marges se compriment, les charges fixes pèsent de plus en plus lourd, et les trésoreries fondent. Dans certains cas, les restaurateurs envisagent déjà de réduire leur carte, leurs horaires ou leur personnel.
Dans ce contexte, l’arbitrage des ménages est brutal : selon les témoignages recueillis, les vacanciers préfèrent « se nourrir différemment », quitte à sacrifier la convivialité du restaurant pour maintenir d’autres postes de dépenses comme les activités ou les loisirs. Résultat : les restaurants, piliers de l’économie touristique locale, peinent à remplir leurs salles malgré l’afflux de visiteurs.
👁 L’œil de l’expert
Le décrochage actuel n’est pas seulement conjoncturel : il révèle un réajustement profond des priorités budgétaires des ménages, même en période de détente. Cette baisse de fréquentation, si elle perdure, imposera aux restaurateurs une refonte complète de leur modèle économique : menus plus courts, digitalisation accrue, mutualisation des charges, voire diversification vers la vente à emporter ou les formats hybrides.
En filigrane, c’est tout l’écosystème des petites villes touristiques qui pourrait être fragilisé. Car la restauration, au-delà de sa fonction alimentaire, reste un vecteur majeur d’emploi, de vie sociale et de rayonnement local. Si le « made at home » devient la norme des vacances, c’est toute une culture du service qui risque de s’éroder.