La transition vers la mobilité électrique reste une priorité politique en Europe, avec l’interdiction programmée des ventes de véhicules thermiques neufs en 2035. Pourtant, derrière ce cadre réglementaire ambitieux, le marché automobile vit une situation paradoxale : alors que l’offre de véhicules électriques d’occasion (VEO) explose, la demande s’essouffle. En France, les stocks atteignent des records mais les acheteurs se raréfient, ce qui pèse lourdement sur la fluidité du marché et sur la valeur résiduelle des modèles.
Selon l’étude CarVertical menée très récemment, 63 % des Français n’envisagent toujours pas l’achat d’un véhicule électrique, principalement pour des raisons de prix (38,6 %), d’autonomie (33,7 %) et de fiabilité perçue. Autant de freins qui se reflètent désormais dans la dynamique du marché de l’occasion.
🚗 Un marché déjà saturé
Le dernier rapport d’Autobiz, publié à la rentrée 2025, illustre parfaitement ce décalage. Entre avril et juin 2025, les ventes de VEO ont atteint près de 40 000 unités, en hausse de 34 % sur un an. Cette progression spectaculaire est alimentée par la fin massive des contrats de leasing et par une offre croissante : plus de 8 000 annonces supplémentaires recensées au premier trimestre.
Mais cette abondance se heurte à un recul de la demande : -10 points par rapport à 2024, ce qui fragilise la liquidité du marché. Résultat, les délais de revente s’allongent fortement, atteignant 132 jours en moyenne, soit un mois de plus que pour les véhicules thermiques.
La hiérarchie des modèles met en lumière des déséquilibres structurels. Les citadines dominent : Renault Zoé (5 894 unités en stock), Fiat 500e (4 546) et Peugeot e-208 (4 339) représentent le cœur de l’offre, mais accusent des rotations lentes (109 à 136 jours). À l’inverse, les SUV, en plein essor sur le marché du neuf, restent marginaux en occasion. Autre fait marquant : l’émergence des constructeurs chinois, passés de parts quasi nulles à 3-4 % du marché des VEO. Une percée qui pourrait rebattre les cartes dans les prochaines années.
Comme le souligne Emmanuel Labi, président d’Autobiz :
Les professionnels comme les acheteurs doivent intégrer ces dynamiques pour anticiper leurs prochains achats
rappelant que l’équilibre entre offre et demande reste déterminant pour préserver la valeur résiduelle.
💶 Décote massive et envolées ponctuelles
Sur le plan financier, le marché affiche des contrastes frappants. Le prix moyen des VEO de moins de trois ans s’établit à 32 654 €, soit 22 % de moins que le prix neuf moyen (41 776 €). Une donnée encourageante en apparence, mais qui cache une volatilité extrême selon les modèles.
Ainsi, certaines nouveautés très attendues, comme la Citroën ë-C3 (+21 % en occasion) ou la Renault 5 E-Tech (+12 %), se revendent plus cher qu’en neuf. Une anomalie liée à leur disponibilité immédiate et à des configurations enrichies. À l’inverse, des modèles populaires comme la Twingo III, la Fiat 500e ou la Peugeot e-208 subissent une forte décote, accentuée par la multiplication des stocks et la prudence des acheteurs.
Autre particularité du marché : la prépondérance des acteurs professionnels, qui représentent 82 % des ventes de VEO de moins de cinq ans (contre 76 % pour les thermiques). Mais la vente entre particuliers progresse rapidement (+53 % sur un an), même si elle reste minoritaire avec 6 836 transactions au T2 2025.
👁️ L’œil de l’expert : une crise de jeunesse
Le marché des voitures électriques d’occasion en 2025 est à la croisée des chemins. L’offre progresse plus vite que la demande, créant des tensions sur les prix et allongeant les délais de rotation. Si certains modèles tirent leur épingle du jeu grâce à une rareté ponctuelle, la tendance générale traduit une fragilité structurelle.
À moyen terme, seule une amélioration de l’autonomie, une baisse des coûts de production et un réseau de recharge plus dense permettront de réconcilier l’offre et la demande. Faute de quoi, le marché de l’occasion risque de devenir le talon d’Achille de la transition électrique, avec des stocks difficiles à écouler et une valeur résiduelle menacée.