Une restructuration sans précédent secoue l’icône de l’industrie allemande. Face à des défis structurels majeurs – pression concurrentielle de la Chine, transition électrique difficile, et productivité en berne – Volkswagen engage une cure d’austérité massive. Objectif : économiser 1,5 milliard d’euros par an d’ici 2030, sans recourir à des licenciements secs. Ce plan social, dévoilé fin 2024 et désormais entré en phase active, affecte profondément les salariés allemands, mais se veut “socialement responsable”, selon la direction.
Un plan social historique pour relancer la compétitivité
Le constructeur de Wolfsburg s’est lancé dans la plus vaste réduction d’effectifs de son histoire récente. Sur les 35 000 suppressions de postes prévues en Allemagne d’ici 2030, près de 20 000 départs sont déjà contractualisés, selon Gunnar Kilian, membre du directoire, qui s’est exprimé lors d’une réunion du personnel à Wolfsburg :
Les premières mesures de l’accord sur l’avenir de Volkswagen portent leurs fruits, nous sommes sur la bonne voie
a-t-il assuré. Sans fermeture d’usine ni vagues de licenciements brutaux, la direction mise sur des départs volontaires, associés à un gel des salaires en 2025 et 2026. Ce gel sera compensé par une augmentation différée de 5 %, versée non pas directement aux salariés, mais placée dans un fonds dédié à des dispositifs de travail plus flexibles. En parallèle, certaines primes sont repoussées, marquant une inflexion nette de la politique salariale du groupe.
La direction affirme que ces mesures, bien qu’austères, permettent de renforcer la compétitivité :
Nous accélérons notre transformation grâce à une réduction mesurable des coûts à Wolfsburg et sur l’ensemble de nos sites allemands
a souligné Gunnar Kilian. Le constructeur veut ainsi regagner en agilité face à ses concurrents asiatiques et répondre à un marché de l’électrique en pleine mutation.
Golf délocalisée, Wolfsburg redéfinit son avenir
Symbole fort de cette transformation : la fin de la production thermique de la Golf sur le sol allemand. Ce modèle emblématique, produit depuis des décennies à Wolfsburg, sera désormais assemblé au Mexique, libérant de l’espace pour les véhicules électriques comme l’ID.3 ou la Cupra Born. Un signal clair du virage stratégique que prend le groupe.
Cette délocalisation ne concerne pas uniquement la production, mais reflète un repositionnement industriel global de Volkswagen, contraint de rationaliser sa production et de baisser ses coûts unitaires face à des concurrents qui produisent à moindres frais hors d’Europe. Pour beaucoup, le choix du Mexique souligne la perte d’attractivité industrielle du Vieux Continent, plombé par des coûts salariaux élevés et des incertitudes réglementaires.
Le tout se déroule dans un contexte social sensible : les discussions avec les syndicats ont été tendues, mais l’accord signé fin 2024 constitue un compromis, évitant la casse sociale tout en répondant à une réalité économique pressante. L’usine de Wolfsburg reste ouverte, mais son rôle se réinvente autour des modèles électriques – une manière de préserver les compétences tout en réorientant l’activité.
️ L’œil de l’expert : renoncement industriel et pari stratégique
Volkswagen opère un tournant aussi brutal que nécessaire. Sous pression financière, concurrencé sur son propre terrain, le groupe a choisi la voie du redimensionnement maîtrisé. La délocalisation partielle et la réduction d’effectifs sans licenciements secs illustrent une approche pragmatique, mais non sans risques : perte d’ancrage industriel en Allemagne, tensions internes, désaffection potentielle des salariés.
L’avenir du groupe dépendra désormais de sa capacité à réussir son virage électrique, tout en maintenant la cohésion sociale. Car si la rationalité économique justifie les mesures, le défi humain, lui, ne peut être ignoré. Le pari est lancé.
