Un investissement stratégique sous les projecteurs. Accueillir une étape du Tour de France, ce n’est pas uniquement baliser une route et installer des barrières. C’est une décision économique, une opération de marketing territorial de grande envergure et un pari stratégique pour les collectivités. En 2025, alors que la concurrence entre villes pour accueillir le peloton est toujours plus vive, la question essentielle reste : l’investissement public en vaut-il réellement la chandelle ? Car si l’événement attire les foules et les caméras, les retombées financières, touristiques et structurelles sont complexes à mesurer. Décryptage des bénéfices concrets – et parfois insoupçonnés – pour les villes qui se prêtent au jeu.
Le jackpot des commerçants locaux
Dès l’arrivée de la caravane du Tour, les villes-étapes se transforment en hubs économiques temporaires. En l’espace de quelques jours, elles accueillent des dizaines de milliers de visiteurs : suiveurs, journalistes, sponsors, équipes sportives, curieux et passionnés. Selon l’étape, entre 40 000 et 100 000 personnes peuvent affluer, créant une véritable onde de choc pour les acteurs économiques locaux.
Les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration en sont les premiers bénéficiaires. Les chambres se réservent des mois à l’avance, les tables affichent complet, et certains restaurants doublent, voire triplent, leur chiffre d’affaires en une seule journée. À Pau, par exemple, les retombées économiques de l’étape de 2019 avaient été estimées à plus de 2,5 millions d’euros.
Les commerçants de proximité ne sont pas en reste : boulangeries, supérettes, bars et boutiques de souvenirs connaissent un pic de fréquentation inédit.
Sur certaines journées, on réalise l’équivalent d’une semaine de chiffre d’affaires
rapportait un commerçant d’Albi, ville-étape récurrente. L’événement est aussi l’occasion de mettre en valeur les circuits courts, avec des marchés du terroir ou animations gastronomiques locales, permettant aux producteurs de bénéficier d’un coup de projecteur rare et rentable.
Une exposition médiatique mondiale, impossible à acheter
Avec une diffusion dans 190 pays et 3,5 milliards de téléspectateurs cumulés, le Tour de France offre aux villes-étapes une visibilité que même les plus gros budgets communication ne pourraient s’offrir. Les images tournées en hélicoptère ou par drones montrent les paysages, les monuments, les centres historiques… de quoi transformer une simple commune en vitrine touristique planétaire.
Entre 30 minutes et 2 heures de présence à l’antenne, selon la configuration de l’étape. C’est une aubaine pour le maire de Pau, François Bayrou, qui déclarait en 2022 :
Aucun budget de communication ne permettrait d’acheter une telle exposition.
Mais la visibilité ne s’arrête pas là. Les collectivités utilisent aussi cet événement pour moderniser leur image : villes vertes, territoires innovants, mobilité douce, transition écologique… autant de messages que les services de communication intègrent aux supports diffusés lors de l’événement. En clair, le Tour devient un amplificateur de storytelling territorial, capable d’attirer touristes, investisseurs ou nouveaux habitants.
Un catalyseur de projets urbains et de cohésion locale
Sous ses airs de fête populaire, le passage du Tour est souvent un prétexte à des chantiers longtemps repoussés. Routes refaites, trottoirs rénovés, mobiliers urbains modernisés, signalétiques touristiques repensées… À Carcassonne, la perspective de recevoir une étape a permis d’accélérer la création d’un pôle multimodal, initialement prévu plusieurs années plus tard.
L’événement est aussi l’occasion d’aménager des infrastructures cyclables, dans un contexte où la mobilité douce devient une priorité nationale. Ces investissements profitent bien au-delà de la journée d’étape : ils améliorent le cadre de vie des habitants et renforcent l’attractivité de la ville à moyen terme.
Côté social, le Tour fédère : écoles, clubs sportifs, associations culturelles ou maisons de quartier sont mobilisés pour organiser fan zones, ateliers pédagogiques, décorations urbaines géantes. Cet élan collectif, rare dans l’agenda municipal, renforce l’identité locale et crée un moment d’unité particulièrement fort.
Enfin, plusieurs villes ont observé une hausse de la fréquentation touristique dans les mois qui suivent le passage du peloton, certaines devenant des lieux de pèlerinage pour les cyclistes amateurs ou des haltes incontournables dans les circuits touristiques.
L’œil de l’expert : un levier à rentabiliser
Le Tour de France est bien plus qu’une simple course cycliste. Pour les villes qui savent s’en emparer, c’est un accélérateur de projets, de notoriété et de cohésion. Mais attention : les retombées ne tombent pas du ciel. Elles s’obtiennent par une préparation méticuleuse, une coordination entre services, commerçants et habitants, et une vision stratégique de long terme.
Comme le rappellent les spécialistes du marketing territorial :
Les villes qui réussissent leur passage du Tour sont celles qui l’intègrent à un récit plus large, aligné avec leurs ambitions économiques et touristiques.
Dans une époque où l’image d’un territoire peut faire la différence dans l’attractivité globale, le Tour devient un atout redoutablement efficace… à condition de l’exploiter pleinement.