La trêve estivale imposée par l’État pourrait bien transformer une simple suspension administrative en onde de choc pour l’immobilier ancien. À compter du 1er juillet, les nouvelles demandes de MaPrimeRénov’ seront gelées jusqu’au 15 septembre, comme l’a annoncé le gouvernement. Derrière cette mise en pause se cache une inquiétude croissante chez les professionnels : sans aides à la rénovation, les logements énergivores — souvent déjà décotés — pourraient devenir invendables dans certaines régions.
“Même avec les aides, les gens rechignent à acheter des passoires thermiques. Alors là, sans les aides, c’est même pas la peine…”, lâche Sébastien Richard, agent immobilier à Sedan. Dans une ville économiquement affaiblie, où les maisons “restent dans leur jus”, les rénovations pèsent parfois plus de 50% du prix d’achat. Une équation qui devient insoutenable pour les acheteurs modestes.
MaPrimeRénov’ gelée : le maillon faible de la chaîne rénovation
Jusqu’ici, la décote des passoires thermiques (classées F ou G au DPE) trouvait son équilibre grâce à une combinaison d’aides publiques : MaPrimeRénov’, prêts à taux zéro et avantages fiscaux facilitaient l’achat et la rénovation de ces biens. Mais avec le gel du dispositif cet été, l’écosystème s’effondre temporairement. Loïc Cantin, président de la Fnaim, anticipe une « cassure du circuit de la rénovation énergétique« , en particulier dans les zones rurales où ces logements sont plus fréquents.
Cette pause n’est pas qu’un contretemps technique : elle affaiblit un maillon essentiel de la chaîne immobilière, celui des ménages à revenus moyens, souvent primo-accédants, qui comptaient sur les aides pour absorber le coût des travaux. “Sans visibilité, ces acheteurs diffèrent leurs projets”, résume Loïc Cantin. En clair, ce n’est pas une baisse des prix qui suffira à relancer l’appétit : c’est la perspective de rénover à coût réduit qui motive l’achat.
Les chiffres confirment cette tendance : selon SeLoger, un logement classé F ou G met en moyenne cinq jours de plus à se vendre qu’un bien mieux noté. Un délai qui pourrait encore s’allonger sans incitations.
️ Un coup dur pour les zones rurales… et pour le marché locatif
Ce gel administratif pourrait également pénaliser une autre catégorie : les investisseurs. Déjà confrontés à des réglementations toujours plus strictes pour la location, les propriétaires pourraient renoncer à acquérir des logements énergivores tant que les aides ne sont pas disponibles.
On enlève un allègement dans la mise en place des travaux, on va avoir encore moins d’acheteurs
alerte Stéphanie Gaillard-Serougne, porte-parole des notaires du Grand Paris. Les territoires à faible densité — où les passoires thermiques abondent — risquent ainsi d’être les plus touchés. À Sedan ou dans d’autres villes moyennes, l’arrêt brutal du dispositif menace des « projets de vie », comme en témoigne une auditrice sur France Inter : “Je vais me retrouver avec un bien qui est un grille-pain”, confie-t-elle après l’achat d’une maison classée G. Elle espérait bénéficier des aides… désormais reportées à l’automne. “C’est un projet de vie qui s’effondre”, conclut-elle, amère, face à la ministre Valérie Létard.
️ L’œil de l’expert : gel administratif ou gel du marché ?
Sous couvert d’ajustement budgétaire, l’État prend le risque de ralentir toute une mécanique déjà fragile. Certes temporaire, cette suspension tombe au pire moment pour un secteur qui peine à redémarrer. Alors que le marché immobilier est en perte de vitesse, notamment dans l’ancien, geler les incitations revient à freiner brutalement l’un des rares moteurs encore actifs.
La reprise de MaPrimeRénov’ prévue le 15 septembre suffira-t-elle à relancer la machine ? Rien n’est moins sûr. D’ici là, la méfiance pourrait s’installer, et avec elle un attentisme généralisé, repoussant les achats et gelant l’ensemble des transactions sur les biens à rénover.