Le secteur textile français vacille, deux icônes plongent. C’est une onde de choc dans l’univers du prêt-à-porter féminin : les enseignes Comptoir des Cotonniers et Princesse tam tam, bien connues des consommatrices françaises, ont déposé une demande de placement en redressement judiciaire ce vendredi auprès du tribunal des activités économiques de Paris. Cette procédure intervient alors que leur situation financière, déjà fragilisée depuis plusieurs mois, continue de se dégrader dans un marché toujours plus hostile.
Selon des informations confirmées à l’AFP par une source proche du dossier, cette décision est le fruit d’une conjoncture particulièrement rude. « La poursuite de la détérioration financière, dans un contexte de marché qui ne s’est pas amélioré » est à l’origine de cette demande, rapporte cette source. Ces deux enseignes, qui appartiennent au groupe Fast Retailing France (filiale du géant japonais propriétaire d’Uniqlo), n’ont pas réussi à redresser la barre, malgré des restructurations engagées dès juin 2023.
Un naufrage économique malgré un plan de sauvetage drastique
L’alerte avait déjà été donnée il y a un an, lorsque Fast Retailing avait annoncé un plan de restructuration massif : 55 fermetures de magasins sur 136 et plus de 300 suppressions de postes au sein des deux enseignes. Le groupe expliquait alors vouloir « adapter Fast Retailing France aux évolutions du marché de l’habillement et enrayer les graves difficultés rencontrées par la société », selon un communiqué de l’époque.
Pour Comptoir des Cotonniers, ce plan s’était traduit par la fermeture de 28 boutiques sur 67, et la suppression de 101 postes sur 272 CDI. Princesse tam tam, de son côté, avait dû se séparer de 27 magasins sur 69, avec 84 suppressions de postes. À cela s’ajoutait un retrait de 119 emplois au siège français pour réduire ce que le groupe qualifiait de « surdimensionnement de son réseau de distribution ».
Mais ces mesures, bien qu’énergiques, n’ont pas suffi à enrayer l’hémorragie financière. Les deux marques, symboles d’un prêt-à-porter haut de gamme mais accessible, n’ont pas résisté à la combinaison explosive de facteurs macroéconomiques : essor fulgurant de l’ultra fast fashion, montée en puissance de la seconde main, inflation persistante, et hausse généralisée des coûts (matières premières, énergie, loyers, salaires). Sans compter les séquelles du Covid-19, qui avait déjà mis à genoux le secteur en 2020.
️ Une crise sectorielle qui ne fait pas de prisonniers
Ce nouvel épisode confirme une tendance préoccupante : le segment du prêt-à-porter milieu de gamme s’effondre. Il suffit de regarder la liste des enseignes en difficulté ces dernières années pour comprendre l’ampleur de la crise : Camaïeu, Burton of London, Gap France, Jennyfer, IKKS, Kookaï, Naf Naf, San Marina, Kaporal, Esprit… Toutes ont été touchées, certaines ont disparu.
Mohamed Kaabouni, analyste chez Portzamparc, résume la situation avec lucidité :
Tous les efforts de redressement peuvent être réduits à néant sans solution immédiate
Une remarque qui s’applique tristement à Comptoir des Cotonniers et Princesse tam tam.
️ L’œil de l’expert : un modèle économique à réinventer
Cette nouvelle défaillance interroge profondément sur la viabilité du modèle économique des enseignes de mode traditionnelles. Entre la volatilité de la demande, les pressions sur les marges et la montée des exigences RSE, le marché réclame une réinvention radicale. Pour survivre, ces marques devront faire bien plus qu’adapter leurs réseaux : elles devront repenser leur proposition de valeur, leurs circuits logistiques, et surtout, leur positionnement face à une concurrence qui joue la vitesse et le prix comme arguments de masse.
Sans injection rapide de capitaux ni transformation structurelle profonde, d’autres noms historiques pourraient suivre le même chemin.