Alors que les tensions commerciales se durcissent entre les grandes puissances, les États-Unis semblent engranger des bénéfices records. Les droits de douane mis en place sous l’impulsion de Donald Trump ont rapporté près de 100 milliards de dollars en seulement six mois. Un chiffre impressionnant, qui laisse penser que la stratégie protectionniste pourrait être payante. Pourtant, à y regarder de plus près, les effets réels sur l’économie américaine posent question, notamment en matière d’investissement et de réindustrialisation.
Une manne fiscale colossale… mais trompeuse
Selon les chiffres publiés, 97 milliards de dollars ont été collectés au cours du premier semestre via les surtaxes douanières. Ce montant a doublé en l’espace de quelques semaines, dopé par l’intensification des taxes à l’importation. À première vue, ces revenus constituent une ressource précieuse pour l’État fédéral américain, d’autant que le Congress Budget Office prévoit jusqu’à 2 500 milliards de dollars d’ici dix ans.
Mais ce chiffre reste très éloigné des projections initiales avancées par l’administration Trump, qui tablait sur 6 000 milliards de dollars. Le décalage entre les ambitions politiques et la réalité économique est flagrant. Et comme le souligne Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste chez BDO :
Ces droits de douane, qui va les payer ? Le consommateur américain. Ce n’est pas le consommateur chinois ou européen.
En d’autres termes, cette manne n’est pas sans coût social. Elle alimente une pression inflationniste interne, rendant les biens importés plus chers pour les ménages américains déjà confrontés à un ralentissement de leur pouvoir d’achat.
Une réindustrialisation en panne sèche
Malgré les incitations, les multinationales ne relocalisent pas leurs chaînes de production sur le territoire américain. Pire, les projets industriels restent au point mort. La stratégie visant à ramener l’emploi manufacturier via des pénalités douanières ne produit aucun effet tangible sur l’investissement.
La réalité est que les entreprises préfèrent absorber les surcoûts plutôt que modifier en profondeur leur chaîne d’approvisionnement. Résultat : pas de gain industriel, mais une consommation pénalisée. Et pendant ce temps, la dette publique continue de s’envoler. Avec l’adoption récente de la nouvelle loi budgétaire au Congrès, le Trésor américain prévoit un ratio dette/PIB supérieur à 200% à l’horizon 2050.
Pour Anne-Sophie Alsif, le constat est limpide :
C’est le pire scénario : pas de relocalisation, mais une inflation en hausse et une dette publique en explosion.
L’œil de l’expert
La politique douanière américaine ressemble à une opération comptable à court terme, plutôt qu’à une vision stratégique de long terme. Le gouvernement engrange, certes, des recettes inédites, mais au prix d’un affaiblissement structurel de l’économie réelle. Sans accompagnement industriel cohérent, la guerre commerciale risque de se transformer en impasse macroéconomique. Et le citoyen contribuable en paiera le prix .