Alors que la frénésie des soldes bat son plein, une étude de l’UFC-Que Choisir met en lumière un phénomène pour le moins inquiétant : la multiplication des promotions fictives dans le commerce en ligne. Derrière les étiquettes rouges et les prix barrés, se cacherait une mécanique bien huilée de manipulation des prix de référence. Une dérive commerciale qui remet en cause la confiance des consommateurs et soulève des enjeux économiques majeurs dans un secteur en pleine expansion.
Des « réductions » gonflées pour doper les ventes
L’association de défense des consommateurs a passé au crible près de 1 000 annonces issues de six mastodontes de l’e-commerce – Amazon, Cdiscount, ASOS, Shein, Temu et Zalando – entre février et avril 2025. Résultat édifiant : seuls 15 % des prix barrés analysés correspondent à une véritable réduction, c’est-à-dire basée sur un prix de référence légalement défini.
Cette pratique repose sur la présentation d’un « prix de référence » — souvent barré — supposé être le tarif initial du produit. Mais dans 85 % des cas, ce prix n’est pas le plus bas pratiqué durant les 30 jours précédents, comme l’impose pourtant la directive européenne de 2019, entrée en vigueur en France en 2022.
Certains vendeurs ne fournissent tout simplement aucune explication quant à la nature du prix barré affiché
déplore l’UFC-Que Choisir dans son rapport. En affichant des rabais sur des prix artificiellement gonflés, les plateformes trompent le consommateur sur l’ampleur de la promotion et sur la réalité de la bonne affaire. C’est un levier psychologique puissant, qui pousse à l’achat rapide, souvent au détriment de la réflexion ou de la comparaison.
Un flou juridique à forte rentabilité
Derrière ces manœuvres commerciales se cachent des enjeux économiques considérables. Dans un marché de l’e-commerce qui pèse plus de 150 milliards d’euros en France en 2024, la guerre des prix est impitoyable. L’apparente générosité des rabais booste les volumes de vente et dope les marges des distributeurs, au mépris parfois des règles européennes.
Or, la réglementation est claire : le prix barré doit obligatoirement refléter le tarif le plus bas pratiqué au cours des 30 derniers jours. En dérogeant à cette règle, certains sites exploitent une faille de traçabilité ou une absence de contrôle systématique. Le résultat : une concurrence faussée, une perte de transparence pour les acheteurs, et un déséquilibre pour les commerçants respectueux des règles.
Dans un contexte d’inflation persistante, ces faux rabais deviennent encore plus problématiques : ils surfent sur la sensibilité budgétaire des ménages et accentuent leur vulnérabilité économique.
Nous saisissons la Commission européenne pour alerter sur ces dérives persistantes
a déclaré l’UFC, dénonçant une tromperie massive organisée à l’échelle continentale.
️ L’œil de l’expert
Ces pratiques de « marketing d’illusion » interrogent profondément sur le rôle des plateformes numériques dans la régulation du commerce. À l’heure où la confiance du consommateur est un levier crucial de croissance, les géants de l’e-commerce doivent assumer leur responsabilité. Les autorités de contrôle, quant à elles, gagneraient à renforcer les audits, à automatiser les vérifications tarifaires et à prononcer des sanctions exemplaires. Car au-delà de la simple publicité mensongère, ce sont des millions d’euros qui sont en jeu chaque jour — et la crédibilité même du commerce numérique.