Une révolution silencieuse en marche. Pendant des décennies, la perte de poids a été synonyme de régimes, de comptage de calories et de programmes de suivi. Mais un changement de paradigme majeur est en train de bouleverser l’ensemble du marché de la minceur. Désormais, ce ne sont plus les conseils nutritionnels ou les coachings personnalisés qui dictent les règles du jeu, mais bien des traitements médicaux novateurs, initialement destinés aux diabétiques. Ces nouveaux venus, à base de GLP-1, redessinent le paysage, jusqu’à faire vaciller les géants historiques comme WeightWatchers, contraint d’entamer une procédure de redressement judiciaire. Cette transition illustre non seulement l’impact des avancées pharmaceutiques, mais aussi une nouvelle façon d’envisager la gestion du poids, entre efficacité, simplicité… et controverse.
La transformation radicale du secteur de la minceur.
La chute de WeightWatchers, géant historique de la gestion du poids, symbolise un tournant majeur dans l’univers de la minceur. Confrontée à une dette colossale avoisinant 1,6 milliard de dollars, la société – rebaptisée WW International en 2018 – s’est placée sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Cette procédure de redressement vise à effacer plus d’un milliard de dettes afin de relancer une entreprise en perte de vitesse. Sa PDG, Tara Comonte a affirmé:
Ces décisions stratégiques nous permettront de réinvestir dans nos membres et de regagner en compétitivité dans un marché en pleine mutation
Malgré ses 3 millions d’adhérents dans le monde, WW fait face à une baisse significative de ses revenus d’abonnement (-5,6 % sur un an). La raison ? Une concurrence inattendue mais redoutablement efficace : les médicaments à base de GLP-1, initialement conçus pour traiter le diabète, mais aujourd’hui plébiscités pour leurs effets spectaculaires sur la perte de poids.
⚗️ Les GLP-1, nouvelle norme de la minceur et future manne économique
Derrière cette mutation, un nom ressort : Ozempic. Utilisé hors indication par des célébrités américaines pour mincir, ce traitement développé par Novo Nordisk a ouvert la voie à une toute nouvelle ère. Son dérivé, Wegovy, spécifiquement destiné aux personnes obèses, a rapidement pris le relais. Ces produits, qui agissent sur la satiété et les comportements alimentaires compulsifs, permettent des pertes de poids allant de 15 % à 20 % en moyenne, sur 16 à 18 mois.
L’effet boule de neige est en marche : Eli Lilly a lancé son propre traitement, Zepbound, pendant que Roche et Zealand Pharma travaillent à développer le petrelintide. Pas moins de 323 médicaments analogues du GLP-1 sont actuellement en développement, selon GlobalData, avec des estimations de vente atteignant près de 49 milliards de dollars d’ici 2030. Cette tendance devrait s’amplifier à mesure que les brevets d’origine expirent dès 2026, ouvrant la porte aux génériques à bas coût, notamment en Chine, au Canada et au Brésil.
La poussée des GLP-1 redéfinit non seulement les standards de la perte de poids, mais stimule également d’autres industries, comme la médecine esthétique. Le Boston Consulting Group anticipe une explosion de la demande pour les traitements post-perte de poids (rafermissement, injections, remodelage corporel), estimant une opportunité de marché de 2 milliards de dollars à l’horizon 2029. « Ces traitements nourrissent les fantasmes autant que les attentes », résumait Nicolas Picard, gérant chez CPRAM, à l’AFP.
L’œil de l’expert
La faillite de WeightWatchers illustre de manière éclatante l’impact disruptif des biotechnologies sur les industries traditionnelles. En quelques années, les traitements médicamenteux ont modifié en profondeur les comportements de consommation liés à la minceur, en remplaçant des approches comportementales par des solutions chimiques perçues comme plus rapides et efficaces. Mais ce bouleversement soulève également des questions éthiques, économiques et sanitaires : effets secondaires, usage hors indication, dépendance médicamenteuse… L’essor fulgurant du marché des GLP-1 s’annonce porteur, mais appelle à une régulation rigoureuse et à une intégration prudente dans les parcours de soins. Ce nouvel âge de la minceur s’ouvre avec promesses et défis.
