Accusé de retards répétés dans le paiement de ses fournisseurs, le groupe Fnac Darty vient d’écoper de 3,9 millions d’euros d’amende infligés par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Une sanction qui s’inscrit dans un contexte économique tendu où les délais de paiement, souvent négligés par les grands groupes, pèsent lourdement sur la santé financière des PME françaises. Alors que Fnac Darty entend contester cette décision, la problématique des retards interentreprises revient au cœur du débat économique et réglementaire.
🏦 Amende salée pour des retards coûteux
Les sociétés Fnac Darty Participations et Services et Darty & Fils ont été chacune sanctionnées à hauteur de 1,95 million d’euros pour non-respect des délais légaux de paiement, soit 3,9 millions d’euros au total. Cette double condamnation repose sur des contrôles réalisés par la DGCCRF remontant à la période du Covid-19, un contexte que le groupe considère comme exceptionnel et non pris en compte à sa juste mesure.
Dans une déclaration à l’AFP, Fnac Darty déplore une sanction « prise sans égard suffisant pour la forte désorganisation générée par la pandémie », et annonce contester ces amendes devant les juridictions compétentes. Le groupe évoque également d’autres affaires similaires où les montants ont été revus à la baisse en justice après réexamen des circonstances.
Mais au-delà de ce cas emblématique, c’est une pratique systémique qui fragilise l’économie française. D’après la Banque de France, en 2024, les retards de paiement se sont détériorés pour repasser au-dessus de la moyenne européenne, avec 13,6 jours de retard moyen, affectant principalement les petites et moyennes entreprises, souvent dépendantes de la régularité de leurs flux financiers.
Seules 50 % des grandes entreprises paient dans les délais. Sans ces retards, les PME auraient gagné 15 milliards d’euros de trésorerie en 2024
alerte la Banque de France dans son rapport de juillet.
🗜 Durcir les sanctions pour protéger les PME
Face à ce fléau économique, le gouvernement souhaite passer à la vitesse supérieure. Mi-juillet, le Premier ministre François Bayrou a annoncé un projet de réforme pour alourdir les sanctions contre les mauvais payeurs, en introduisant une amende proportionnelle pouvant atteindre jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires des entreprises fautives.
L’objectif est clair : réprimer des comportements qui mettent en danger le tissu économique, en particulier les sous-traitants et fournisseurs des grandes structures. « Il s’agit de l’un des problèmes fondamentaux auxquels les entreprises et notamment les PME se trouvent confrontées », a déclaré François Bayrou.
Cette orientation est également soutenue par les médiateurs de l’Entreprise et du Crédit, qui réclament depuis plusieurs mois une plus grande sévérité, faute de quoi les pratiques abusives perdureront. À ce jour, l’amende maximale s’élève à 2 millions d’euros, un montant jugé peu dissuasif au regard des capacités financières des grandes entreprises.
L’affaire Fnac Darty, par son ampleur symbolique, pourrait donc faire figure de catalyseur d’un nouveau virage législatif. En sanctionnant davantage le non-respect des délais, l’État espère préserver la liquidité des TPE-PME, considérées comme la colonne vertébrale de l’économie française.
👁️🗨️ L’œil de l’expert : une question de discipline
Jean-Luc Baudrier, consultant en droit des affaires, résume la problématique :
Ce n’est pas le montant de l’amende qui changera les pratiques, mais la systématisation des contrôles et une volonté politique de rendre les retards réellement coûteux. L’exemplarité de quelques sanctions bien ciblées pourrait avoir un effet dissuasif à large échelle.
Dans un climat où la trésorerie devient une ressource aussi stratégique que rare, le non-respect des délais de paiement apparaît comme une forme de prédation économique, souvent tolérée car difficile à prouver et à sanctionner efficacement. Mais à mesure que les marges des PME se resserrent, le législateur est désormais pressé de changer de paradigme : passer de la prévention molle à la répression assumée.
En résumé, l’amende infligée à Fnac Darty illustre un problème bien plus large. Derrière la façade du cas isolé se cache un mécanisme destructeur pour l’économie réelle, que l’exécutif entend désormais briser avec des sanctions proportionnées et une fermeté inédite.